Une sécurisation prochaine des licenciements économiques ?
La deuxième version, largement désossée du projet de loi Travail qui doit être présentée jeudi 24 mars en Conseil des ministres, garde des dispositions intéressantes en matière de licenciement économique.
1. Une définition du caractère économique du licenciement a été proposée, réduisant d’autant la marge d’appréciation des juges.
Constitueraient les difficultés économiques justifiant un licenciement, des difficultés caractérisées soit par une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant quatre trimestres consécutifs, en comparaison avec la même période de l’année précédente, soit par des pertes d’exploitation pendant un semestre, soit par une importante dégradation de la trésorerie, soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés.
Un accord de branche pourrait quantifier différemment deux des critères permettant de caractériser les difficultés économiques, soit :
- la durée de la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, à condition qu’elle soit supérieure à deux trimestres consécutifs ;
- la durée des pertes d’exploitation, à condition qu’elle soit supérieure à un trimestre.
L’Espagne a également adopté une définition du motif économique qui cadre l’ampleur des difficultés. Ainsi, depuis la loi 3/2012 de juillet 2012, une diminution du niveau de recette est reconnue persistante, et par conséquent légitimant un motif économique de licenciement, si elle est constatée pendant 3 trimestres consécutifs.
La nouvelle définition du motif économique intégrerait par ailleurs la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de l’entreprise. C’est une définition jurisprudentielle, et donc déjà dans notre droit positif.
De même, la cessation d’activité, non citée par la loi mais admise comme motif économique de licenciement, figurerait désormais dans la définition légale.
Les autres aspects de la définition actuelle ne seraient pas modifiés.
2. Par ailleurs, la loi préciserait le périmètre d’appréciation du motif économique.
Le motif économique serait apprécié au niveau de l’entreprise si elle n’appartient pas à un groupe (comme actuellement), et au niveau du secteur d’activité commun aux entreprises implantées sur le territoire national du groupe, en cas d’entreprise intégrée à un groupe.
Actuellement, lorsque l’entreprise fait partie d’un groupe, la jurisprudence considère que « les difficultés économiques invoquées à l’appui d’un licenciement doivent être appréciées au niveau du groupe ou du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national ».(Cass. soc. 12 juin 2001 n°99-41.571).
Ainsi réduite au territoire national, l’appréciation du motif économique en sera certainement simplifiée.
Le projet réserve le cas de difficultés créées artificiellement à la seule fin de procéder à des suppressions d’emploi, qui ne pourraient alors être considérées comme des difficultés économiques juridiquement recevables pour légitimer des licenciements.
Le projet n’est qu’au début de son parcours, et étant donné son accueil plus que mitigé, son devenir est tout ce qu’il y a de plus incertain.