Barème Macron, le débat continue dans les juridictions du fond !

Un arrêt de la cour d’appel de Douai du 21 octobre dernier écarte l’application du barème Macron, balayant la décision de la Cour de cassation du 11 mai 2022 (Cf. notre article).

En l’occurrence, le salarié injustement licencié après 21 ans de présence dans l’entreprise, était âgé de 55 ans, et son aptitude médicale avait été restreinte par le médecin du travail. 

Les indemnités allouées par le conseil de prud’hommes en vertu du barème s’élevaient à 16 mois de salaire (le plafond du barème pour cette ancienneté) soit 23 960,48 €. 

Les juges d’appel ont effectué un contrôle de conventionnalité in concreto en dépit de la position de la Cour de cassation, et ont conclu que les circonstances exceptionnelles justifiaient d’écarter l’application du barème, et d’allouer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 30 000 €. 

En effet, selon les magistrats, l’indemnité prévue par le barème ne permettait pas une réparation adéquate du préjudice subi par le salarié, eu égard « aux charges de famille du salarié, et aux difficultés de retrouver un emploi après un licenciement pour impossibilité de reclassement après un avis d’aptitude technique par le médecin du travail avec de fortes restrictions ».

Dans son arrêt du 11 mai 2022, la Cour de cassation a effectivement exclu le contrôle de conventionnalité in concreto au motif que ce contrôle « reviendrait pour le juge français à choisir d’écarter le barème au cas par cas », « créerait pour les justiciables une incertitude sur la règle de droit applicable, qui serait susceptible de changer en fonction de circonstances individuelles et de leur appréciation par les juges » et « porterait atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi ».

Pour la cour d’appel de Douai, « le principe d’égalité ne s’oppose pas au principe d’individualisation des décisions de justice qui ressort de l’office du juge ». Et selon l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT, les juges doivent être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate, qui s’entend comme une « indemnité suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié » et qui doit « raisonnablement permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi. »

Or, si la Cour de cassation considère que le remboursement des allocations chômage par l’employeur est suffisamment dissuasif, les juges d’appel estiment, quant à eux, que l’on ne peut pas prendre en compte les sommes versées à un organisme tiers pour apprécier le caractère dissuasif de l’indemnité de licenciement. En conséquence, selon les circonstances concrète du litige, le barème n’est pas suffisamment dissuasif.

Les juges d’appel relèvent par ailleurs que « le barème impératif ne respecte pas le principe juridique de la responsabilité civile, dit indemnitaire, prévoyant la réparation intégrale du préjudice ». 

En ne prenant en compte que l’ancienneté du salarié et son salaire moyen, le barème ne permet pas de réparer l’entier préjudice qui doit intégrer « les circonstances exceptionnelles liées notamment aux charges de famille impérieuse ou aux difficultés de retrouver un emploi ».

Certes, l’arrêt d’appel encourt la cassation, si pourvoi il y a, toutefois, il pourrait faire tâche d’huile parmi les juges du fond, déjà encouragés par la décision du Comité européen des droits sociaux (Cf. notre article).

CA Douai 21 octobre 2022, n° RG 20/01124.