Délais de consultation du CE… une inconstitutionnalité en vue ?
Depuis la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, la consultation du comité d’entreprise est encadrée par des délais. A l’expiration du délai fixé, si le comité n’a pas rendu d’avis, il est réputé avoir rendu un avis négatif. Hors les cas où la loi en dispose autrement, le délai est fixé à un mois. Il est porté à deux mois en cas d’intervention d’un expert, trois mois en cas de saisine par l’employeur d’un ou plusieurs CHSCT et 4 mois en cas de mise en place d’une instance de coordination des CHSCT (articles L.2323-3 et R.2323-1-1 du code du travail).
Si le CE s’estime insuffisamment informé, il doit saisir le président du TGI, statuant en urgence afin d’obtenir la communication des informations manquantes, voire une prolongation du délai de consultation. La saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai de consultation (article L.2323-4 du code du travail).
La Cour de cassation a interprété strictement ces articles et en a déduit que le juge, saisi d’une demande de suspension de la procédure de consultation par le CE, ne peut plus statuer si le délai de consultation du CE est arrivé à expiration le jour où il doit rendre sa décision : le délai de consultation est expiré, le CE est légalement réputé avoir rendu un avis négatif (Cass. Soc. 21 septembre 2016 n°15-13.363). Le juge, lorsque le délai a expiré, ne peut pas non plus accorder un nouveau délai (Cass .Soc. 21 septembre 2016 n°15-19.003).
Ainsi que nous l’avions souligné (cf. http://daempartners.com/clin-oeil/consultation-du-comite-dentreprise-la-rigueur-des-delais-prefix/ ) cette rigueur ne tient pas compte des délais de la justice elle-même. Si le juge ne se prononce pas dans le délai imparti, sa saisine n’aura plus d’impact et le comité, même insuffisamment informé, sera présumé avoir rendu un avis négatif.
C’est pourquoi la Cour de cassation a récemment décidé de transmettre une question prioritaire au Conseil Constitutionnel : les dispositions en cause du code du travail (articles L2323-3 et L2323-4 du code du travail) « sont susceptibles de placer les comités d’entreprise dans des situations différentes selon que la juridiction saisie aux fins d’obtenir des informations et un délai supplémentaires statue ou non dans le délai imparti, et partant de porter atteinte au principe d’égal accès des citoyens à la justice (…) d’autre part, l’absence d’effet suspensif du recours peut conduire, dans ces conditions, à ce que l’institution représentative du personnel soit privée de toute protection de son droit à l’information nécessaire pour que puisse être assurée la participation la participation du personnel à la gestion de l’entreprise, en dépit de l’exercice d’une voie de recours ».
La balle est désormais dans le camp du Conseil constitutionnel.
Cass. Soc. QPC 1er juin 2017 n°17-13.081