Droit à l’image et préjudice nécessaire
Au visa de l’article 9 du Code civil selon lequel chacun a droit au respect de sa vie privée, la Cour de cassation décide dans un arrêt du 19 janvier 2022, que « le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation, et que la seule constatation d’une atteinte ouvre droit à réparation ».
Encore une fois, la haute juridiction pointe une exception à l’obligation issue du droit commun d’avoir à établir son préjudice pour en obtenir réparation (Cf. notre article http://daempartners.com/clin-oeil/depassement-de-la-duree-maximale-du-travail-le-prejudice-nest-pas-a-demontrer/).
En l’espèce, dans le cadre d’une procédure de licenciement pour motif économique, deux salariés adhèrent chacun à un contrat de sécurisation professionnelle, et leur contrat de travail est donc rompu. Ils saisissent le conseil de prud’hommes de différentes demandes, dont une demande de dommages et intérêts pour atteinte au droit à leur image.
En effet, avant la rupture de leur contrat, les salariés avaient été photographiés avec toute l’équipe, photo apparaissant sur le site de l’entreprise. Après la rupture du contrat de travail, ils demandent à l’employeur de retirer la photographie du site. La demande reste sans réponse. Ce n’est que postérieurement à la communication des conclusions de première instance que l’employeur supprime la photographie litigieuse du site.
La Cour d’appel les déboute de leur demande de réparation au motif d’une part que la photo a été finalement supprimée et d’autre part que les salariés ne démontrent pas l’existence d’un préjudice personnel, direct et certain.
L’arrêt est donc cassé, l’atteinte au droit à l’image ouvre droit à réparation sans avoir à démontrer un préjudice.
Notons que la première chambre civile de la Cour de cassation a déjà jugé que « toute personne dispose sur son image, partie intégrante de sa personnalité, d’un droit exclusif qui lui permet de s’opposer à sa reproduction » (Cass, civ 1er, 27 février 2007 n°06-10393).
Rattaché au droit au respect de la vie privée, le droit à l’image est un droit fondamental, protégé en tant que tel. Il est donc également protégé au sein de l’entreprise, si bien que le consentement des salariés pour la diffusion de leur image, que ce soit dans le cadre interne (trombinoscope, intranet…) ou externe à l’entreprise (images du site, plaquettes commerciales) doit être préalablement requis. L’autorisation donnée doit être suffisamment précise quant aux modalités d’utilisation de l’image (finalité, durée de l’autorisation, etc…).
La chambre sociale de la Cour de cassation n’avait pas encore eu l’occasion de s’exprimer sur le sujet, c’est chose faite dorénavant, et, sans surprise, le droit à l’image au sein de l’entreprise est ainsi reconnu.
Cass. soc., 19 janv. 2022 no 20-12.420