Grossesse : quand la protection ne joue pas…
Une salariée saisit le juge prud’homal d’une demande de résiliation de son contrat de travail, invoquant des manquements de son employeur. Puis, quelques mois après cette saisine, déclare son état de grossesse auprès de son employeur.
Une fois la résiliation obtenue, le débat a porté sur les conséquences de la rupture : devait-elle emporter les effets d’un licenciement nul ou ceux d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ? Autrement dit, la protection de la salariée, mise en œuvre après sa demande de résiliation judiciaire pouvait-elle jouer et emporter ainsi la nullité de la rupture ?
Rappelons que pendant l’exécution de son contrat de travail, la salariée enceinte bénéficie d’une protection dite relative, puisque la loi autorise son licenciement dans des cas limités (faute grave, impossibilité de maintenir le contrat de travail). La protection ne joue que si la salariée a informé son employeur de son état de grossesse, ce qu’elle n’est pas obligée de faire.
La loi a toutefois prévu un « rattrapage » dans le cas où une salariée, n’ayant pas informé son employeur de son état, est licenciée. Ainsi, l’article L. 1225-5 du code du travail prévoit que le licenciement sera annulé, si la salariée envoie à son employeur dans un délai de 15 jours à compter de sa notification, un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte.
Un autre aménagement est prévu au regard des conséquences de la rupture du contrat de travail : la nullité de la rupture est encourue lorsque le salarié bénéficie d’une protection légale au jour de l’introduction de l’instance (Cass. soc. 26 octobre 2016, nº 15-15.923).
En l’espèce, la cour d’appel a opté pour la nullité, considérant que l’employeur avait été informé de la grossesse de la salariée et que la protection devait jouer.
L’arrêt d’appel est cassé par la Cour de cassation qui pose pour principe que : « Lorsqu’au jour de la demande de résiliation judiciaire, la salariée n’a pas informé l’employeur de son état de grossesse, la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse».
Ainsi, même en cas de demande de résiliation judiciaire, où le contrat de travail continue à courir jusqu’à la décision judiciaire, la protection ne joue que si l’employeur a été informé au jour de l’introduction de l’instance.
L’enjeu est important dans la mesure où la nullité du licenciement est sanctionnée par une indemnité minimale de 6 mois de salaire ainsi que le paiement des salaires couvrant la période de protection. Depuis les ordonnances Macron, le barème s’applique pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse.
Cass. soc., 28 novembre 2018, nº 15-29.330 FP-PB