Heures supplémentaires : à propos de la recevabilité des preuves…
Lorsque le salarié réclame le paiement d’heures supplémentaires, il lui appartient selon l’article L. 3171-4 du code du travail, de fournir des éléments à l’appui de sa demande, et il revient à l’employeur de justifier les horaires effectivement réalisés et le juge forme sa conviction.
A la lecture littérale de ce texte, la charge de la preuve ne pèse pas sur le seul demandeur, mais est répartie entre les protagonistes.
Il suffit au salarié d’apporter des éléments de nature à « étayer » sa demande : il n’a pas à prouver les horaires réalisés, mais doit démontrer que les éléments soumis au juge sont suffisamment précis pour établir les horaires revendiqués.
Dès lors, il appartient à l’employeur de justifier systématiquement les horaires effectivement réalisés.
Encore faut-il que les éléments qu’il produit soient recevables.
Ainsi, il est de jurisprudence constante que l’absence de déclaration à la CNIL d’un système de surveillance fait obstacle à ce que ce dernier puisse être produit à titre de preuve.
Toutefois, la Cour de cassation peut parfois témoigner d’une certaine souplesse. On se souvient à ce titre du débat sur la recevabilité des courriels émanant d’une messagerie professionnelle qui n’a pas fait l’objet d’une déclaration simplifiée à la CNIL. La Cour de cassation a considéré que l’absence de déclaration ne rendait pas illicite la production de courriels adressés par l’employeur ou par le salarié dans la mesure où l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés et conservés par le système informatique (Cass. soc. 1erjuin 2017 n°15-23.522).
Cette souplesse n’est pas toujours de mise ainsi qu’en témoigne un arrêt récent rendu à propos de l’admissibilité des tickets de cantine comme mode de preuve des heures supplémentaire (Cass. soc. 27 mars 2019 n°17-31.715 F-PB).
En l’espèce, un salarié en forfait jours obtient l’invalidation de son forfait jours en raison de l’absence d’autonomie réelle dans l’organisation de son temps de travail. Le débat se poursuit en conséquence sur les heures supplémentaires effectuées. L’employeur fait valoir que le décompte présenté par le salarié ne prend pas en compte les pauses déjeuners et produit les tickets de cantine démontrant l’existence de pauses repas.
Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, écartent ce moyen de preuve : les tickets de cantine n’étaient pas conformes à la délibération de la CNIL n°02-001 du 8 janvier 2002 encadrant le traitement des informations nominatives mis en œuvre sur les lieux de travail pour la gestion des contrôles d’accès aux locaux, des horaires et de la restauration.
En effet, en ce qui concerne la restauration, la délibération prévoit que les informations ne peuvent être collectées que sous la forme « hors d’œuvre, plat, dessert, boisson ». En clair, Il est possible de savoir que le salarié déjeune, mais pas ce qu’il mange…
Or, les tickets en question mentionnaient de façon plus détaillée les consommations du salarié.
L’employeur, s’appuyant sur la jurisprudence du 1erjuin 2017, faisait valoir que le salarié ne pouvait ignorer que ces données étaient enregistrées et conservées dans le système informatique.
L’argument n’est pas retenu cette fois, les tickets faisant apparaitre les habitudes alimentaires du salarié ne sont pas conformes aux normes édictées par la CNIL, et donc irrecevables comme mode de preuve.
Cette jurisprudence conserve tout son intérêt dans le cadre du nouveau RGPD…