Heures supplémentaires, il ne suffit pas de s’opposer à leur accomplissement !
En matière d’heures supplémentaires, les principes sont établis : leur accomplissement relève du pouvoir de direction de l’employeur, qui doit les ordonner ou les autoriser même implicitement. La Cour de cassation est ensuite venue préciser que les heures supplémentaires rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié devaient être rémunérées (Cass. soc. 20 février 2013, n°11-28.811 PB).
Toutefois, lorsque l’employeur interdit expressément d’effectuer des heures supplémentaires, peut-il refuser de les rémunérer si elles ont, malgré tout, été exécutées par les salariés ?
Dans deux arrêts du 14 novembre 2018, promis à une large diffusion, la Cour de cassation donne le mode d’emploi aux juges du fond (n°17-16.959 FS-PB et n°17-20.659 FS-PB).
Dans la première espèce, le salarié avait l’obligation contractuelle d’obtenir l’autorisation d’effectuer des heures supplémentaires, et avait tout de même réalisé ces heures sans accord préalable de son employeur. Ce dernier lui rappelle son obligation par courrier, puis le met en demeure de cesser d’exécuter des heures supplémentaires non-commandées, et enfin le sanctionne par un avertissement « au vu du caractère persistant du comportement de l’intéressé ».
Le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, invoquant un harcèlement moral et la non rémunération de ses heures supplémentaires.
Il obtient en appel le paiement de ses heures supplémentaires, les juges d’appel constatant que celles-ci étaient rendues indispensables par la charge de travail du salarié.
Dans la seconde espèce, le salarié est placé chez un client de l’employeur et effectue des heures supplémentaires dont le paiement lui est refusé faute d’accord préalable, l’employeur rappelant là-encore au salarié que son accord doit être donné préalablement à l’exécution des heures supplémentaires. Le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et demande le paiement des heures supplémentaires.
Les juges du fond déboutent le salarié au motif que « le salarié n’a pas à placer l’employeur qui subordonne l’exécution des heures supplémentaires à son accord préalable, devant le fait accompli, sauf abus de sa part, lequel n’est ni établi ni même allégué, que l’employeur a subordonné l’exécution des heures supplémentaires chez le client auprès duquel le salarié intervenait, à l’accord préalable de son supérieur hiérarchique de façon légitime pour pouvoir, le cas échéant, renégocier ses conditions d’intervention ».
La Cour de cassation valide les premiers juges d’appel et casse la décision des seconds.
Elle rappelle le principe : les heures supplémentaires sont rémunérées « soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ; »
C’est-à-dire, qu’il y ait ou non accord de l’employeur, si le salarié démontre que sa charge de travail l’obligeait à exécuter des heures supplémentaires, elles doivent lui être rémunérées.
Ainsi, dans la première espèce, les juges du fond constatent que « la charge de travail du salarié, qui avait donné lieu au paiement d’heures supplémentaires pour la période de mai à décembre 2012, avait été maintenue puis accrue pendant la période postérieure » en conséquence de quoi « la réalisation de nouvelles heures supplémentaires avait été rendue nécessaire par les tâches confiées à l’intéressé ». CQFD.
La décision est logique, il ne suffit pas de refuser l’exécution d’heures supplémentaires, il faut que la charge de travail n’oblige pas, de fait, le salarié à en effectuer.