Infraction de non-désignation : les premiers arrêts de la Cour de cassation
Infraction de non-désignation : les premiers arrêts de la Cour de cassation
L’article L.121-6 du code de la route, issu de la loi « Justice du XXIesiècle » du 18 novembre 2016, entrée en vigueur le 1erjanvier 2017,prévoit qu’en cas d’infraction commise avec un véhicule de société, le représentant légal de la personne morale doitindiquer, par lettre recommandée avec accusé de réception ou de façon dématérialisée, dans un délai de 45 jours à compter de l’envoi ou de la remise de la contravention, l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de force majeure.
La violation de cette obligation est punie d’une amende de 4èmeclasse (soit un maximum de 750 €).
Tel que rédigé, le texte prévoit donc que l’obligation pèse sur le représentant de la personne morale, il s’en déduisait donc que la personne morale ne pouvait pas être pénalement poursuivie.
Dans trois arrêts récents, la chambre criminelle de la Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois sur cette nouvelle contravention, et les hauts magistrats nous livrent quatre enseignements.
En premier lieu, et contrairement à ce que l’on pouvait croire, la personne morale peut être responsable.
La chambre criminelle précise que le texte de l’article L.121-6 du code de la route, n’exclut pas que la responsabilité de la personne morale soit aussi recherchée pour cette infraction, commise pour son compte, par ce représentant sur le fondement de l’article 121-2 du Code pénal (qui pose le principe de la responsabilité pénale des personnes morale).
En l’espèce, l’avis de contravention de non-désignation avait été adressé à la personne morale. Cette dernière conteste sa mise en cause devant le tribunal de police, qui lui donne raison sur le fondement de l’article L121-6 du code de la route, considérant que les faits ne sont imputables qu’au représentant légal de la personne morale.
Le jugement est cassé par la Cour de cassation. La personne morale est pénalement responsable de l’infraction (Cass. crim. 11 décembre 2018 n°18-82.628).
Engager la responsabilité pénale de la personne morale permet également de multiplier par cinq le montant de l’amende…
Deuxième enseignement : même lorsque l’avis de contravention est libellé au nom de la personne morale, le représentant légal peut être poursuivi sur le fondement de l’article L121-6 du code de la route.
Le troisième enseignement concerne l’applicabilité de la loi dans le temps. La loi instituant la contravention de non-désignation est entrée en vigueur au 1erjanvier 2017, et l’infraction est constituée dès lors que l’avis de contravention a été adressé postérieurement à cette date (Cass. crim. 11 décembre 2018 n°18-82.820).
En l’espèce, il était soutenu que c’était la date de commission de l’infraction routière elle-même qui devait être prise en compte.
Enfin, le dernier enseignement : même si l’auteur de l’infraction est le représentant légal de la Société, il doit remplir le formulaire de désignation, et l’envoyer dans les formes prescrites. Il ne peut se contenter de régler directement l’amende relative à l’infraction routière, lorsqu’il reçoit l’avis de contravention initial.
A défaut de désignation dans les formes prescrites par l’article L.121-6 du code de la route, l’infraction de non-désignation de conducteur sera constituée (Cass. crim 15 janvier 2019 n°18-82.380).
Isabelle Mathieu