Le barème Macron est-il en sursis ?
Son institution, par l’ordonnance n°2017- 1387 du 22 septembre 2017, a suscité une forte contestation dans les juridictions du fond qui estimaient ce barème d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse non conforme aux conventions internationales en ce qu’il ne permettait pas une réparation « adéquate » à un licenciement abusif.
La Cour de cassation, interrogée par deux Cours d’appel (Reims et Paris) a néanmoins conforté le barème, dans deux avis en date du 17 juillet 2019, le considérant compatible avec le droit conventionnel, notamment l’article 10 de la Convention no158 de l’OIT. « Réparation adéquate » ne veut pas dire « réparation intégrale » et l’exclusion du barème dans certains cas graves permet de couvrir les situations exceptionnelles et garantit une réparation adéquate selon la Haute juridiction.
Mais les juges du fond, pour une grande part, refusent de suivre cet avis, soit directement, considérant le barème non conforme aux conventions internationales, soit en s’appuyant sur les arguments développés pour la première fois par la Cour d’appel de Reims (CA Reims, 25 septembre 2019, nº 19/00003), puis repris par de nombreuses Cours d’appel (Chambéry (CA Chambéry, 14 novembre 2019, nº 18/02184), Caen (CA Caen, 12 décembre 2019, nº 18/02368 , Grenoble (CA Grenoble, 2 juin 2020, nº 17/04929), Bourges (CA Bourges, 6 novembre 2020, nº 19/00585)).
Les juges font alors une appréciation in concreto des faits qui les conduisent à écarter le barème afin de parvenir à une réparation « adéquate » du préjudice subi par un salarié abusivement licencié.
La Cour d’appel de Paris s’était, quant à elle, rangée à l’avis de la Cour de cassation et avait considéré que le barème, conforme aux normes internationales, devait être appliqué (CA Paris, pôle 6, ch. 8, 30 octobre 2019, nº 16/05602).
Finalement, cette même Cour d’appel vient de changer d’avis… dans une décision du 16 mars dernier, elle fait une appréciation in concreto des faits et en déduit que compte tenu de la situation concrète et particulière de Madame A., âgée de 53 ans à la date de la rupture et de 56 ans à ce jour, le montant ne permet pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT.
Donc, exit le barème… et l’indemnité fixée au maximum de 4 mois de salaire par le barème, passe à 9 mois de salaire pour une réparation adéquate selon les juges, eu égard à l’âge de la salariée, au montant de la perte de revenu mensuel et à l’importance des recherches d’emploi infructueuses.
La Cour de cassation devra se prononcer (jusqu’à présent elle n’a rendu qu’un avis) et il y a de fortes chances pour qu’elle tienne compte du mouvement judiciaire important en faveur d’une appréciation in concreto qui permet d’écarter le barème lorsque la réparation judiciaire apparait largement en deçà du préjudice subi.
Le débat judiciaire autour du préjudice va s’intensifier…
(CA de Paris, Pôle 6, Ch. 11, 16 mars 2021, nº 19/08721)