Les réserves émises lors d’un avis d’aptitude sont impératives
Dans une décision récente, la Cour de cassation confirme une jurisprudence antérieure, rappelant que l’employeur doit tenir compte des préconisations du médecin du travail prévues dans un avis d’aptitude avec réserves, au risque d’être condamné pour harcèlement moral (Cass. Soc., 28 janvier 2010 n°08-42.616 ; Cass. Soc., 7 janvier 2015 n°13-17.602).
En effet, selon la Haute Juridiction, « en retenant que la société avait confié au salarié de manière habituelle, au mépris des prescriptions du médecin du travail, des tâches dépassant ses capacités physiques eu égard à son état de santé et mis ainsi en péril l’état de santé de son salarié, la cour d’appel a fait ressortir l’existence d’éléments laissant supposer un harcèlement moral et l’absence de preuve par l’employeur d’éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ».
Ainsi, si à l’issue d’une visite médicale faisant suite à un arrêt de travail, le médecin du travail rend un avis d’aptitude avec réserves, l’employeur est tenu de suivre scrupuleusement les conditions posées pour l’aménagement du poste de son salarié. Le non-respect répété de ces réserves caractérisera une situation de harcèlement moral, il sera alors difficile pour l’employeur de rapporter la preuve contraire.
En l’espèce, un salarié exerçant comme grutier au sein d’une entreprise de manutention a fait l’objet d’arrêts de travail successifs pendant 4 mois. A la reprise de son poste, il est déclaré apte à reprendre son poste sous réserver d’éviter « au maximum le port de charges lourdes » le 10 décembre 2013, puis le 17 mars 2014, apte avec restrictions « sans port de charges lourdes de plus de 25 kg manuellement ».
Un an après ce second avis d’aptitude avec réserves, le 17 mars 2015, ce salarié fait l’objet d’un avertissement, avant de se voir notifier, le lendemain, une mise à pied conservatoire, puis le 14 avril suivant, un licenciement pour faute grave en raison de plusieurs manquements dans l’exercice de ses fonctions (retards lors de ses interventions, manipulation dangereuse de la grue, dégradation du matériel…).
En réponse, le salarié saisit le Conseil de prud’hommes d’une demande de nullité de son licenciement, pour discrimination liée à son état de santé et pour des agissements répétés de harcèlement moral.
Les juges du fond ont reconnu une situation de harcèlement moral. En ignorant, à compter du 10 décembre 2013, les préconisations du médecin du travail et ce, en confiant de manière habituelle à son salarié des fonctions dépassant ses capacités physiques, l’employeur a commis plusieurs agissements de harcèlement moral, ce qu’a confirmé la Cour de cassation.
Par ailleurs, notons que dans ce contentieux, la Cour d’appel a considéré que la Société ne pouvait plus licencier son salarié pour des faits antérieurs à son avertissement. Seule lui restait ouverte la procédure du licenciement pour inaptitude physique.
Cass. Soc., 4 novembre 2020 n°19-11.626