Port du voile : La Cour de cassation insiste sur le règlement intérieur
Dans un arrêt du 14 avril dernier, la Cour de cassation rappelle que seule une clause de neutralité dans le règlement intérieur peut permettre à l’employeur d’empêcher une salariée en contact avec la clientèle de porter un foulard islamique.
En l’espèce, une vendeuse d’une enseigne d’habillement revient de son congé parental…avec un foulard islamique, qu’elle ne portait pas auparavant et qu’elle refuse de retirer désormais. Elle est licenciée et saisit la juridiction prud’homale d’une demande de nullité du licenciement pour discrimination religieuse.
L’employeur s’appuie sur l’image de l’entreprise, son positionnement commercial valorisant la féminité et le contact permanent de la vendeuse avec la clientèle pour justifier le bien-fondé du licenciement.
Les faits se répètent, pourtant, le mode d’emploi a été donné en 2017 pour faire respecter une règle de neutralité dans l’entreprise :
1. Doit exister au préalable, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes formalités de publication que le règlement intérieur.
2. Cette clause de neutralité générale et indifférenciée ne peut être appliquée qu’aux salariés en contact avec la clientèle.
3. En cas de refus d’un salarié de se conformer à la clause de neutralité : l’employeur doit rechercher, s’il lui est possible de proposer au salarié un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec les clients, plutôt que de procéder à son licenciement, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l’entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire.
Sans clause de neutralité, l’interdiction faite à une salariée de porter un foulard islamique, caractérise une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses, à moins de pouvoir opposer une exigence professionnelle essentielle et déterminante obéissant à un objectif légitime et que cette exigence soit proportionnée (article L.1133-1 du code du travail).
Or, les attentes (présumées) de la clientèle n’entrent pas dans la sphère d’une telle exigence professionnelle.
La Cour de cassation rappelle la notion d’exigence professionnelle définie par la Cour de justice de l’Union Européenne : « une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause. Elle ne saurait, en revanche, couvrir des considérations subjectives, telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client » (CJUE, 14 mars 2017, Micropole Univers, aff. C-188/15).
Les justifications relevant de la sécurité pourront répondre à cette définition. Hormis ce domaine, la clause de neutralité dans le règlement intérieur s’impose si l’entreprise veut garantir une neutralité religieuse vis-à-vis de sa clientèle.
Cass. soc.,14 avril 2021, nº 19-24.079