Compétitions sportives pendant un arrêt maladie : pas de préjudice pour l’employeur

Un salarié, opérateur de contrôle au sein de la RATP, participe à quatorze compétitions de badminton au cours de trois arrêts de travail dus à des blessures au coude, poignet, bras, cou. Il est révoqué en raison de son manquement à son obligation de loyauté, et saisit le conseil de prud’hommes aux fins de contestation du bien-fondé de cette révocation, estimant que sa loyauté n’était pas en jeu. 

Il s’appuie en effet sur une jurisprudence constante (et contestable) qui considère que l’exercice d’une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt (Cass. soc. 4 juin 2002 n° 00-40.894), à moins que l’exercice de cette activité cause un préjudice à l’employeur. Ainsi, si le salarié exerce une activité professionnelle pendant son arrêt de travail, le préjudice ne sera constitué que si cette activité est en concurrence avec celle de son employeur (Cass. soc. 21 octobre 2003 n° 01-43.943). Tel est le cas lorsque le salarié démarche des clients de son employeur au profit de la société de son conjoint (Cass. soc. 23 novembre 2010 n° 09-67.249). La Cour de cassation admet alors l’existence d’un préjudice pour l’employeur et valide le licenciement fondé sur la déloyauté. Notons toutefois que dans ce cas, peu importe que le salarié exerce cette activité concurrentielle pendant un arrêt de travail. Son comportement est déloyal et son licenciement a une cause réelle et sérieuse (voire grave).

L’opérateur de contrôle de la RATP obtient ainsi gain de cause en appel. L’employeur se pourvoit en cassation. Conscient de cette jurisprudence très libérale pour le salarié, l’employeur avance deux arguments : 

  • D’une part, il fait valoir que son préjudice réside dans le fait qu’il a maintenu le salaire de son salarié pendant les arrêts maladies. Il considère ainsi que la participation du salarié à des activités non autorisées et manifestement incompatibles avec l’incapacité de travail à l’origine de ses arrêts de travail lui cause un préjudice économique et financier dans la mesure où il assure par lui-même la couverture des risques maladie, accident du travail et maladie professionnelle de son personnel.

L’argument est balayé par la Cour de cassation, qui juge que le préjudice causé ne peut pas résulter du seul versement par l’employeur d’un complément de salaire durant l’arrêt maladie (Cass. soc. 26 février 2020 n° 18-10.017 FS-PB).

  • D’autre part, il argue que l’exercice par le salarié, pendant un arrêt de travail, d’une activité manifestement incompatible avec l’incapacité de travail à l’origine de cet arrêt de travail, susceptible d’aggraver son état de santé, constitue un acte de déloyauté du salarié qui cause à l’employeur un préjudice fonctionnel et économique.

La Cour de cassation approuve encore la décision de la cour d’appel mais parce que cette dernière a relevé « qu’il n’est pas démontré que cette participation aurait aggravé l’état de santé du salarié ou prolongé ses arrêts de travail, de sorte qu’il n’était pas établi que cette activité aurait causé un préjudice à l’employeur. »

Ainsi, a contrario, si l’employeur avait démontré que l’activité sportive du salarié durant son arrêt maladie avait eu pour conséquence d’aggraver ou de prolonger ses arrêts maladies, le préjudice de l’employeur aurait été retenu, et le manquement à l’obligation de loyauté (qui subsiste pendant la durée de l’arrêt de travail) aurait alors légitimé la révocation du salarié.

Cass. soc. 1 février 2023 n° 21-20.526