Infractions routières : l’employeur contraint à la délation …
Le comité national de la Sécurité Routière avait préconisé de remédier aux failles permettant aux salariés conduisant une voiture d’entreprise d’échapper aux conséquences de leurs infractions routières. Il estimait en effet que cette éventuelle impunité encourageait les mauvais comportements des conducteurs, voire aurait un impact direct sur la mortalité routière.
Le législateur a suivi ces préconisations dans la loi relative à la justice du XXIe siècle, adoptée définitivement le 12 octobre 2016 ; actuellement soumise au Conseil constitutionnel.
L’article 34 insère dans le Code pénal, un nouvel article L.121-6 prévoyant qu’en cas d’infraction (dont la liste doit être fixée par décret en Conseil d’Etat) commise avec un véhicule de société (certificat d’immatriculation d’un véhicule établi au nom d’une personne morale), le représentant légal de la personne morale doit indiquer, par lettre recommandée avec accusé de réception ou de façon dématérialisée, dans un délai de 45 jours à compter de l’envoi ou de la remise de la contravention, l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de force majeure.
Le fait de ne pas dénoncer son salarié sera puni d’une amende de quatrième classe, soit d’un montant de 750 € au maximum.
Jusqu’à présent, si l’employeur (représentant légal de la personne morale et donc présumé pécuniairement responsable des infractions commises avec le véhicule de la société) contestait être le conducteur du véhicule, sans désigner le véritable auteur de l’infraction, il restait redevable de la contravention, mais ne perdait pas les points correspondants sur son permis de conduire.
A condition toutefois de pouvoir prouver qu’il n’était pas le conducteur : la présomption est simple, mais reste une présomption.
Le montant de la contravention ne peut être répercuté sur le salarié. En effet, la retenue sur salaire opérée pour le remboursement de contraventions, afférentes à l’utilisation d’un véhicule professionnel mis à disposition du salarié, est illégale car elle constitue une sanction pécuniaire (Cass. soc. 17 avril 2013, n°11-27750).
Le montant de la contravention ne peut plus être supporté par la personne morale : le représentant légal est personnellement responsable de l’infraction. Le paiement de la contravention par la société serait un abus de bien social.
En conséquence, le droit contraignait de fait l’employeur, ès qualité de responsable légal de la personne morale, à dénoncer son salarié « délinquant »… à condition toutefois d’avoir les moyens de prouver que le salarié désigné était bien le conducteur (cass. crim 17 avril 2013 n°12-87.490).
Obligation de délation ou non, le droit ne change pas : le véritable conducteur du véhicule d’entreprise doit pouvoir être identifié « à coup sûr ». En conséquence, les procédures de suivi ad hoc doivent être mises en place, sinon, la responsabilité pécuniaire de l’infraction restera à la charge du représentant légal.