L’employeur, un « bon père de famille » ?
Au nom de son obligation de sécurité, le droit oblige l’employeur à intervenir dans les « chamailleries » entre collègues… lorsqu’il a été mis au courant, par une des parties en discorde, ou par un tiers.
En effet, outre son obligation de prévention, il lui reviendra d’apporter la preuve en cas de discordes ponctuelles ayant des répercussions, ou risquant d’avoir des répercussions sur l’état de santé de ses salariés, qu’il est intervenu es qualité de médiateur, et qu’il a mis en œuvre les moyens de faire cesser ces discordes.
Lorsqu’il s’agit de discordes ou violences ponctuelles, les jugements font rarement allusion à la prévention que l’employeur aurait pu mettre en place… à moins qu’un climat délétère ait régné depuis un certain temps au sein d’une équipe.
Dans ces cas, c’est en amont des difficultés qu’il est demandé à l’employeur de mettre en place des mesures pour remédier à une situation de souffrance.
Lorsque l’employeur a les moyens de diagnostiquer un risque, des mesures préventives doivent alors être mise en place.
Ainsi, dans une espèce où une salariée a exprimé une situation de souffrance, puis fait l’objet d’arrêts de travail avant d’être déclarée inapte par le médecin du travail, les juges du fond ont considéré que les courriers ainsi que le départ concomitant de membres de l’équipe constituaient « des éléments objectifs qui permettaient de diagnostiquer un risque. »
Certes, dans cette affaire l’employeur n’a pas réagi du tout, et la salariée a fini par être déclarée inapte. Les juges du fond lient son inaptitude aux conditions de travail en s’appuyant sur l’avis du médecin qui déclare qu’un reclassement est possible « sur un autre site », la rupture du contrat de travail est donc prononcée aux torts de l’employeur ( Cour d’appel d’Aix-en-Provence , du 12 novembre 2015 confirmée par Cass. soc. 8 juin 2017 n°16- 10.458).
De la même manière, l’employeur qui a laissé sur une très longue période se développer au sein de son établissement des manifestations racistes à l’encontre d’un salarié doit être également condamné sur le fondement de son obligation de sécurité (CA Montpellier 9 décembre 2009 n°09-2316).
En cas de mésentente entre collègues, ce dernier doit également intervenir es qualité de « médiateur impartial ».
Les mesures attendues de l’employeur doivent être menées jusqu’à la résolution du conflit, où il lui faudra apporter la preuve de l’impossibilité de cette résolution, en partie en raison de l’attitude des protagonistes.
Ainsi, dans un arrêt du 17 octobre 2012 (n°11-18.208) la Cour relève que les juges du fond, qui n’ont pas constaté que la salariée était responsable du conflit qui s’était instauré avec sa supérieur hiérarchique, ont justifié la prise d’acte de rupture au torts de l’employeur qui a laissé perduré un conflit sans lui apporter de solution. Pourtant en l’espèce, l’employeur avait reçu la salariée plusieurs fois, avait invité l’inspecteur du travail à se rendre sur place afin de procéder aux constatations utiles, avait convoqué le CHSCT en réunion extraordinaire afin de mettre fin au conflit…mesures jugées insuffisantes car ne permettant pas de trouver une réelle solution au problème conflictuel.
Dès lors, organiser une réunion de l’équipe de travail, proposer des modifications d’organisation du travail, ne suffira pas si le conflit persiste entre les salariés. La mesure est alors considérée insuffisante, et l’employeur devra porter la responsabilité de la rupture du contrat de travail du salarié en demandant la résolution sur le fondement de la violation de l’obligation de sécurité : « l’employeur n’avait pas pris toutes les mesures utiles pour régler avec impartialité par sa médiation, le conflit persistant qui opposait les salariées… ». En bref, il aurait fallu séparer géographiquement les protagonistes (Cass. soc. 22 juin 2017 n°16-15.507).