Métro boulot dodo
L’employeur doit prendre en charge la moitié du prix des titres d’abonnement souscrits par ses salariés pour leurs déplacements accomplis au moyen de transports publics entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail (articles L.3261-2 et R.3261-1du Code du travail).
Limitée à la région Ile de France, cette obligation a été étendue à l’ensemble du territoire par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Que se passe-t-il lorsqu’un salarié est célibataire géographique pour son travail et rejoint sa famille chaque fin de semaine à l’autre bout de la France ? Quelle est sa « résidence habituelle » au sens de l’article L.3261-1 du code du travail ?
C’est à cette question que vient de répondre la Cour de Cassation dans un arrêt du 22 juin 2016 (n°15-15.986).
En l’espèce, un salarié embauché par une association ayant son siège à Limoges, habitait dans un logement à proximité de son lieu de travail durant la semaine et rejoignait sa famille à Villeneuve d’Ascq chaque week-end et durant ses congés. Un trajet qui lui faisait donc régulièrement traverser la France depuis 10 ans.
Le salarié entendait se faire rembourser la moitié de son abonnement sur le fondement de l’article L.3261-1 du code du travail par son employeur, estimant que son domicile de Villeneuve d’Ascq constituait sa résidence habituelle c’est-à-dire le lieu où il a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, son domicile et où se trouve le centre permanent ou habituel de ses intérêts. Le salarié reprenait ici la définition donnée par la première chambre civile dans un litige de droit international en matière matrimoniale (Cass. 1er civ 14 décembre 2005 n°05-10.951). Il entendait démontrer sa volonté de fixer sa résidence habituelle dans le nord en produisant ses demandes de mutation dans le nord pour se rapprocher de sa famille.
La Cour d’appel relève que le salarié disposait depuis le début de son contrat de travail d’un logement à Limoges, avec un minimum d’affaires pour y vivre la semaine. Ils constatent qu’au final, le salarié a passé plus de temps dans sa résidence limousine qu’à Villeneuve d’Ascq.
De cette définition, les juges de la Cour d’appel de Limoges se réfèrent seulement au centre permanent ou habituel des intérêts, laissant de côté la volonté du salarié… Ce parti pris est intéressant dans la mesure où il est révélateur d’une certaine objectivisation de la notion de domicile en droit social.
On peut également estimer que vis-à-vis de l’exécution de son travail, le salarié a entendu fixer sa résidence habituelle à Limoges.
Si son domicile Limougeaud avait été précaire (nombreux déménagements entre différents logeurs par exemple) les juges d’appel auraient-ils eu alors la même appréciation de la situation ?
Notons que la Cour de cassation s’en réfère à l’appréciation souveraine des juges du fond, le contrôle est donc un contrôle limité. Le recours en cassation n’aura d’intérêt que dans un cas d’erreur manifeste d’appréciation.
En revanche, la situation aurait été différente, si le salarié avait décidé d’installer sa famille à Lyon et de faire les trajets de façon quotidienne. Dans cette hypothèse, la Cour de cassation s’est déjà prononcée en 2012 : elle considère que la détermination du lieu du domicile relève en effet d’un droit fondamental protégé par la convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (art. 8) et par les articles 9 du Code civil et L 1121-1 du Code du travail.
En conséquence, l’employeur ne peut imposer de restrictions à cette liberté que si elles sont indispensables à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et proportionnées, compte tenu de l’emploi occupé et du travail demandé, au but recherché. Elle considère en outre que l’article L.3262-2 du code du Travail ne fixe aucune réserve ou condition tenant à l’éloignement de la résidence et du lieu de travail (Cass. soc. 12 décembre 2012 n° 11-25.089).
Le salarié peut donc déménager loin de son lieu de travail, l’employeur devra participer à ses trajets quotidiens pour rejoindre son domicile … à moins de pouvoir justifier son opposition au regard des exigences de la jurisprudence.