Remplacement de salariés absents… assouplissement de la jurisprudence
La Cour de cassation, dans un arrêt du 14 février 2018, assouplit sa jurisprudence en matière de CDD de remplacement : un recours à de multiples CDD de remplacement avec le même salarié ne caractérise pas à lui seul un usage abusif du CDD.
En l’espèce une salariée, agent de service, effectue 3 CDD de remplacement pendant l’été 2010, puis 104 CDD de remplacement entre avril 2011 et février 2014. Forte d’une jurisprudence stricte en la matière, elle saisit le juge prud’homal d’une demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée (avec toutes les demandes inhérentes à une rupture sans cause réelle et sérieuse de CDI).
Elle s’appuie pour cela sur la jurisprudence de la Cour de cassation qui a notamment requalifié en CDI, les CDD d’un agent de service ayant assuré le remplacement de salariés absents pendant 4 ans au moyen de 94 CDD ( soc. 4 décembre 1996 n°93-41.891), de receveurs de poste de péage ayant effectué l’un 22 CDD en 14 mois et l’autre 104 CDD en 3 ans (soc 29 sept 2004 n°02-43.249 et 26 janvier 2005 n°02-45.342).
En effet, en principe, le recours à des CDD successifs pour remplacer des salariés absents est licite lorsque les CDD sont autonomes, distincts et les salariés remplacés identifiés avec précision… jusque-là, tout va bien. Mais si le salarié qui assure les remplacements conserve la même qualification et le même salaire alors la Cour de cassation considère automatiquement qu’il occupe un emploi permanent. Donc, agents de service, receveurs de péage, assistantes de caisse, agents de propreté… autant de contrats de remplacement requalifiés au cours des années passées, au motif qu’ils pourvoyaient en fait à un besoin structurel de main d’œuvre, et qu’il y avait donc place pour un emploi permanent dans l’entreprise.
Dans l’espèce donnant lieu à l’arrêt du 14 février 2018, Les juges du fond concluent en ce sens. Ils constatent la récurrence des CDD de remplacement durant trois ans, et déduisent l’existence d’un besoin structurel de salariés de la récurrence des contrats de remplacement de salariés absents, prenant également en considération l’importance de l’effectif de l’association employeur. En effet, un nombre conséquent de salariés implique beaucoup de cas d’absence (maladie, congés, maternité etc…)… et finalement un emploi permanent de remplaçant.
Si on suit ce raisonnement, toutes les entreprises ayant un effectif conséquent sans spécialisations pointues sont potentiellement concernées.
Heureusement, par cet arrêt du 14 février 2018, la Cour de cassation adopte une position sensiblement différente, tout en gardant le principe de l’interdiction du recours au CDD pour pallier un besoin structurel de salarié : «le seul fait pour l’employeur, qui est tenu de garantir aux salariés le bénéfice des droits à congés maladie ou maternité, à congés payés ou repos que leur accorde la loi, de recourir à des contrats à durée déterminée de remplacement de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique aux contrats à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d’œuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi durable lié à l’activité normal et permanente de l’entreprise ».
La Cour de cassation prend soin de rattacher sa position à celle prise par la CJUE dans une décision du 26 janvier 2012. Cette dernière estime que la récurrence ou la permanence de recrutement en CDD pour remplacer des salariés absents, même s’il est possible de recourir à un emploi à durée indéterminée, n’impliquent pas obligatoirement l’abus de recours au contrat précaire.
Donc la Cour de cassation indique fermement aux juges du fond qu’ils ne peuvent fonder la requalification sur le caractère répété du recours au CDD de remplacement.
L’absence de cause objective de recours, le besoin structurel de main d’œuvre devront être mis en évidence par le juge du fond pour pouvoir conclure à la requalification….
Donc, la haute juridiction admet, 6 ans après la CJUE, qu’à priori, le fait de pourvoir de façon récurrente au remplacement de salariés absents par des CDD de remplacement n’est pas abusif… ! Merci bien.
Cass. soc. 14 février 2018 n°16-17.966