Risques psychosociaux et PSE, la Cour de cassation tranche…
Depuis la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, le PSE, fixé par accord collectif ou par document unilatéral, est soumis au contrôle de l’administration, qui valide l’accord ou homologue le document unilatéral.
Une communication doit s’établir entre l’administration, l’employeur et les représentants du personnel. L’administration peut faire des propositions destinées à compléter ou modifier le plan de sauvegarde de l’emploi ou des observations ou propositions à l’employeur concernant le déroulement de la procédure ou les mesures sociales du PSE. Ces dernières sont directement transmises aux représentants du personnel. L’employeur est tenu d’y apporter des réponses motivées, après avoir pris l’avis du CE (articles L.1233-56 et suivants du code du travail).
Les instances représentatives du personnel peuvent saisir l’administration d’une demande d’enjoindre l’employeur de fournir les éléments d’information relatifs à la procédure en cours, ou de se conformer à une règle de procédure.
L’administration est ainsi particulièrement associée à l’élaboration du PSE, dont elle contrôle pas à pas non seulement la régularité de la procédure mais également le contenu du plan au regard des moyens de l’entreprise, voire du groupe auquel elle appartient.
Les pouvoirs confiés à l’administration, en matière de contrôle et de validation du plan s’exercent logiquement sous le contrôle du juge administratif.
Le juge judiciaire a gardé une compétence résiduelle, notamment en ce qui concerne le contrôle du motif économique de la réorganisation, l’application des critères d’ordre des licenciements et des mesures individuelles du PSE, mais également sur le respect de l’obligation de reclassement (Cass. Soc. 21 novembre 2018 n° 17-16.766).
Ce contrôle judiciaire ne s’exerce qu’après la décision de l’administration.
L’article L.1235-7-1 du code du travail précise que la décision de l’administration (validation /homologation ou refus) peut seule faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. Ce n’est donc qu’à l’occasion de ce recours que les autres actes de la procédure (contenu du PSE, information-consultation des IRP, demandes d’injonction, etc..) pourront être contestés.
En 2013, le législateur a entendu évacuer les procédures de référé-suspension engagées pendant l’élaboration des PSE devant le TGI, tendant à obtenir le gel de la réorganisation. Ainsi que le souligne l’étude d’impact, « la possibilité pour les parties d’agir en référé en cours de procédure ne paraît plus justifiée dans la mesure où l’instauration de la procédure de validation / homologation renforce le rôle de l’administration ».
Ainsi, le recours au juge des référés du tribunal de grande instance au cours de la procédure de consultation du comité d’entreprise, est remplacé par la possibilité de solliciter une injonction de l’administration à l’employeur de fournir des informations, mais sans recours autre que le recours juridictionnel contre la décision finale de l’administration. Le recours hiérarchique lui-même est fermé.
Toutefois, restait en suspension la question d’une éventuelle compétence du juge judiciaire en matière de risques psychosociaux consécutifs à la mise en œuvre d’un projet de restructuration.
La Cour de cassation vient de se prononcer dans un arrêt du 14 novembre 2019 (n°18-13.887) destiné à une large publicité.
En l’espèce, une société met en œuvre un projet de réorganisation destiné à harmoniser et simplifier les outils informatiques, avec notamment le déploiement progressif de nouveaux outils informatiques pour le personnel commercial et technique. Le projet comprenait la suppression d’un certain nombre de postes, donnant lieu à l’élaboration d’un PSE, négocié dans le cadre d’un accord collectif majoritaire, validé par la DIRECCTE en juin 2015.
Au cours du déploiement de la réorganisation, le CHSCT (qui avait rendu un avis négatif sur le projet), saisit le président du TGI en référé d’une demande de suspension de cette mise en œuvre en raison des risques psychosociaux induits par la réorganisation (arrêts de travail pour burn-out, droit de retrait exercé par plusieurs salariés refusant d’utiliser les nouveaux logiciels, courrier de l’inspecteur du travail constatant l’existence de risques psychosociaux liés à une surcharge de travail résultant des nouveaux outils informatiques).
L’employeur fait valoir que l’appréciation d’un manquement à l’obligation de sécurité, notamment de la prise en compte des risques psychosociaux induits par le projet de restructuration, relève de la compétence du juge administratif, en vertu des termes généraux de l’article L.1235-5-1 du code du travail.
Contrairement au TGI, la Cour de Versailles s’est déclarée compétente pour examiner la demande de suspension.
Elle est suivie par la Cour de cassation qui considère que la compétence résiduelle du juge judiciaire doit être examinée au regard du contrôle exercé par l’administration. C’est, en effet, l’étendue de ce contrôle qui circonscrit la compétence du juge administratif.
Autrement dit, tout ce qui ne relève pas du contrôle administratif, relève de la compétence du juge judiciaire, sans risque de heurter le bloc de compétence administratif.
Constatant que, selon les textes légaux, l’administration n’exerce pas, selon les textes, de contrôle sur les risques psychosociaux engendrés par le projet de réorganisation, elle en déduit que le juge judiciaire retrouve sa compétence en ce domaine.
C’est donc à bon droit que le CHSCT a saisi le juge judiciaire d’une demande de suspension de la mise en œuvre de la réorganisation, malgré la validation administrative du PSE.
Cass. Soc. 14 novembre 2019 n°18-13.887