Harcèlement, nouvelles précisions sur l’enquête diligentée par l’employeur

Confronté à une dénonciation de faits de harcèlement, l’employeur est tenu d’agir rapidement, en vertu de son obligation de sécurité. Une enquête menée soit par un prestataire extérieur, soit en interne est le premier outil qu’il convient de mettre en œuvre afin de vérifier la réalité des faits. 

La Cour de cassation a déjà précisé que l’enquête réalisée dans ce cadre n’est pas soumise aux dispositions de l’article L.1222-4 du code du travail, selon lequel aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. 

Pour la Haute juridiction, l’enquête réalisée dans ce cadre n’est pas un procédé de surveillance de l’activité d’un salarié mais une procédure diligentée afin de vérifier la matérialité des faits dénoncés. Elle est donc un moyen de preuve licite, même si le salarié mis en cause n’a été ni entendu ni même informé de son existence (Cass. soc. 17 mars 2021 n°18-25.597).

La Cour de cassation poursuit l’élaboration du cadre de l’enquête « harcèlement » dans deux arrêts du 29 juin 2022.

Dans les deux affaires, les salariés licenciés en raison d’agissements de harcèlement contestent la recevabilité de l’enquête interne réalisée afin de vérifier la véracité des faits dénoncés.

Dans une première espèce (n°21-11.437), les juges d’appel avaient écarté du débat le rapport d’enquête considérant que l’enquête avait été menée de façon déloyale. Les juges relèvent ainsi que :

  • l’enquête s’était déroulée sans audition de l’ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits litigieux, 
  • les salariées ayant dénoncé les faits ont été entendues ensemble,
  • le compte-rendu n’était pas signé,
  • la durée de  »l’interrogatoire » du salarié n’était pas précisée, pas plus que les temps de repos ;
  • l’enquête s’est déroulée sans information ni saisine des représentants du personnel.

Par ailleurs, les juges du fond n’avaient pas pris en considération les attestations de salariés et résumés d’entretiens réalisés pendant l’enquête.

La Cour de cassation sanctionne le raisonnement de la Cour d’appel. Elle souligne en premier lieu que la preuve est libre en matière prud’homale, puis affirme que le rapport d’enquête interne diligentée par l’employeur lors d’une dénonciation d’agissements de harcèlement moral ou sexuel, peut être produit par ce dernier pour justifier la faute imputée au salarié licencié. Ainsi, « il appartient aux juges du fond, dès lors qu’il n’a pas été mené par l’employeur d’investigations illicites, d’en apprécier la valeur probante, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties. »

La deuxième affaire (n° 20-22.220) est également l’occasion pour la Cour de cassation de préciser l’objet de l’enquête : vérifier la matérialité des faits avant de prendre une décision. L’employeur n’a donc pas l’obligation de permettre au salarié visé d’avoir accès à son dossier, d’organiser une confrontation avec les plaignants, ni même de l’entendre. Il n’est pas question d’invoquer les droits de la défense ou le principe du contradictoire (rappelons encore une fois que si la procédure aboutit à un licenciement en raison d’agissement harcelant, le salarié aura la possibilité d’être entendu lors de son entretien préalable).

Le salarié garde la possibilité de contester son licenciement, et les juges examineront alors tous les éléments présentés par les parties. Droit de la défense et du contradictoire trouvent alors leur place.

Ainsi, la position de la Cour de cassation est pragmatique. L’enquête peut présenter des lacunes, ne pas être exhaustive, elle doit être admise au titre des moyens de preuve présentés par l’employeur. Il appartient ensuite aux juges de trancher. 

Néanmoins, il est certain qu’une enquête menée sérieusement et rigoureusement aura d’autant plus de poids en cas de procès.

Cass. soc. 29 juin 2022 n°21-11.437 et n°20-22.220