Le CEDS condamne le barème « Macron »

Après la condamnation du barème d’indemnisation finlandais (CEDS, 8 sept. 2016, nº 106/2014) puis celle du barème d’indemnisation italien (CEDS, 11 sept. 2019, nº 158/2017), le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) considère, dans une décision du 23 mars 2022 rendue publique le 26 septembre 2022, que le système français d’indemnisation d’un licenciement injustifié est contraire à l’article 24 de la Charte sociale européenne (cf. notre article). 

Les experts du Comité, organe gardien du respect de la Charte, estiment que le barème ne permet pas « une réparation adéquate ou une autre indemnisation appropriée » d’un licenciement injustifié ainsi que le prescrit l’article 24 de la Charte sociale. Selon eux, les plafonds sont trop bas, la marge de manœuvre du juge pour une réparation adéquate est insuffisante et les autres voies de droit permettant une réparation du préjudice demeurent exceptionnelles.

La Cour de cassation a, quant à elle, simplement dénié tout effet direct à la Charte sociale européenne dans son ensemble dans un arrêt retentissant du 11 mai 2022 (cf. notre article). 

Elle a également pris soin de rappeler, dans son communiqué, qu’une décision prise par cette instance dans le cadre d’une réclamation, n’a aucun caractère juridictionnel et n’est donc pas contraignante en droit français.

L’absence d’effet direct de l’article 24 s’explique pour la Cour de cassation par l’absence d’effet direct de la charte dans sa globalité. 

Position en contradiction notoire avec celle du Conseil d’État ! Car depuis un arrêt Fischer du 10 février 2014 (n°358992), la haute juridiction administrative a admis l’effet direct de l’article 24 de la Charte sociale européenne, rompant ainsi avec sa jurisprudence antérieure.

La contradiction des deux Cours suprêmes est déroutante pour le justiciable et contreproductive à terme.

Autre source de confusion, la Cour de cassation reconnait l’effet direct de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT. Cet article prévoit qu’en cas de licenciement injustifié, le juge devra être habilité à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée. Or, la rédaction de cette disposition est très proche de celle de l’article 24 de la charte qui prévoit que les États s’engagent à reconnaître le droit des salariés licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. 

Que change la décision du CEDS ? 

Sans doute pas grand-chose car, comme l’a écrit la Cour de cassation, sa décision n’est pas contraignante.

Elle a été transmise au Comité des ministres du Conseil de l’Europe qui peuvent, éventuellement, adopter une recommandation qui sera adressée au gouvernement français… recommandation elle-même dépourvue de force contraignante.

Ainsi, seul le gouvernement peut décider de revenir sur l’équilibre décidé par les ordonnances Macron en 2017.

Rappelons que ni la Finlande, ni l’Italie n’ont modifié leur barème d’indemnisation suite à leur condamnation par le CEDS.

La fin du barème Macron n’est donc pas pour aujourd’hui, à moins que la décision du CEDS soit l’occasion d’alimenter une fronde des juges du fond qui conduirait la Cour de cassation à revenir sur l’absence d’effet direct de la Charte et, notamment, de son article 24, rejoignant en cela le Conseil d’Etat. 

CEDS décision du 26 septembre 2022