Le contrôle de la durée du travail est une composante de l’obligation de sécurité

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation affirme pour la première fois que l’employeur qui méconnaît son obligation de contrôler la durée du travail manque à son obligation de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des salariés en matière de durée du travail.

Rappelons que l’obligation de sécurité est à la fois une obligation de prévention des risques, et une obligation de prendre des mesures appropriées lorsqu’un risque survient (articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail).

Si l’on considère que l’obligation de contrôler la durée du travail des salariés (articles L.3171-1 à L.3171-4 du code du travail) a pour but non seulement la nécessaire comptabilisation des heures de travail, mais aussi la prévention d’une durée de travail déraisonnable, on peut alors déduire un lien entre obligation de sécurité et contrôle de la durée du travail.

En l’espèce, des syndicats et les représentants du personnel ont soutenu devant le juge que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité, notamment en ne mettant pas en place un contrôle fiable de la durée du travail.

L’employeur arguait l’existence d’un logiciel de déclaration pour les heures supplémentaires, affirmant ainsi que la durée de travail était contrôlée.

La Cour d’appel, constatant l’existence de ce système, a considéré que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation de contrôle.

La Cour de cassation censure l’arrêt sur ce point.

Elle rappelle tout d’abord que les règles européennes en matière de temps minimal de repos sont des prescriptions du droit social d’importance majeure, mais également des prescriptions minimales nécessaire pour garantir la protection de la sécurité et de la santé de chaque travailleur.

Puis, elle souligne que l’employeur est responsable de prouver le respect des limites imposées par le droit de l’Union européenne et les durées maximales de travail du droit interne.

Enfin, elle s’appuie sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE). Cette dernière, sur le fondement de la directive 2003/88 relative à certains aspects de l’aménagement du temps de travail ainsi que de l’article 31 §2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne (droit au repos), a jugé que les États membres avaient l’obligation d’imposer aux employeurs de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (CJUE 14 mai 2019, C- 55/18). Pour la CJUE, l’instauration d’un système de contrôle de la durée du travail relève de l’obligation générale de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Ainsi, manque à son obligation de sécurité l’employeur qui ne met pas en place un contrôle objectif et fiable de la durée du travail de ses salariés.

Les exigences imposées pour garantir une amplitude et une charge de travail raisonnables des salariés en forfait jours relèvent également de la même logique.

Dans cette affaire, la Cour de cassation juge que l’employeur, en se contentant d’un système déclaratif pour les heures supplémentaires, ne respectait pas son obligation de contrôle de la durée du travail. Ce manquement persistait malgré des négociations en cours sur le temps de travail et les moyens de contrôle.

Un contrôle objectif et fiable devait être mis en place, susceptible d’être ajusté après un accord avec les représentants syndicaux.

Cass. soc. 5 juillet 2023 n°21-24.122