Le remboursement des frais de transport, nouvelle donne après la crise sanitaire ?

L’employeur est tenu de prendre en charge, la moitié du prix des titres d’abonnement souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélo (article L.3261-2 du code du travail).

La Cour de cassation considère que cette obligation pèse sur l’employeur sans distinguer selon la situation géographique de cette résidence (Cass. soc. 12 décembre 2012 n°11-25.089). 

Par ailleurs, la liberté de choisir son domicile est une liberté fondamentale. Elle peut être restreinte par une clause de résidence à condition que cette dernière soit justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but poursuivi, conformément à l’article L.1121-1 du code du travail). 

Ainsi, hors cas particulier, pour la jurisprudence, le salarié peut déménager librement en cours d’exécution de son contrat de travail. Pour l’employeur, il en va autrement. 

Lors de l’embauche, le lieu de résidence du salarié est un élément pris en compte : des trajets trop longs risquent de nuire à l’exécution de la prestation professionnelle (fatigue, stress, risques d’accident, retards, etc…). Ainsi, la liberté du salarié de déménager peut modifier l’équilibre recherché lors de l’embauche. 

Le salarié comme l’employeur sont à la recherche du meilleur équilibre possible. Jusqu’à présent, les problèmes de coûts liés à la prise en charge d’une partie du transport (transport public) restaient un épiphénomène.

La donne change avec le développement du télétravail lié à la crise sanitaire. En effet, un certain nombre de citadins ont fait le choix, notamment après le premier confinement, de s’éloigner des villes (https://www.nextories.com/etude-demenagement-confinement). Même si le phénomène doit être relativisé, il pose à nouveau la question de la prise en charge par l’employeur d’une partie des frais de transport lorsque ce dernier augmente considérablement selon le nouveau lieu de résidence choisi par le salarié.

La jurisprudence est stricte : peu importe la distance, l’employeur doit prendre en charge au moins la moitié du coût de l’abonnement.

Ainsi en témoigne une décision du Tribunal judiciaire de Paris, en date du 5 juillet 2022.

En l’espèce, dans le contexte de la crise sanitaire, et devant l’augmentation du nombre de salariés ayant déménagé en province, une UES décide de modifier les conditions de prise en charge des abonnements de transport public. Le remboursement des frais de transport en commun est refusé dès lors que le temps de trajet entre la résidence habituelle des salariés et leur lieu de travail dépasse 4 heures par jour aller-retour.

Syndicats et CSE intentent une action, et le tribunal judiciaire leur donne raison : « au sens de la loi, le seul critère déterminant la prise en charge des frais de transport est celui de la résidence habituelle des salariés, qui est apprécié souverainement par les juges du fond à partir de la définition qui lui a été donnée par la jurisprudence ». « En conditionnant le remboursement à un critère d’éloignement géographique, l’employeur a méconnu ses obligations légales régies par les articles L.3261 et R.3261-1 et suivants du code du travail ».

L’instauration d’un principe général de limitation de remboursement des frais de transport en fonction de la distance (ou du temps de trajet) au sein de l’entreprise semble donc impossible. Peu importe l’augmentation du phénomène d’éloignement des salariés ou la capacité de l’entreprise a en absorber le coût, la jurisprudence sur ce point ne bougera pas.

Toutefois, s’il s’avère que le déménagement d’un salarié loin de son lieu de travail risque d’avoir des répercussions sur sa santé, ou des conséquences sur la bonne exécution du travail, c’est alors le contrat de travail lui-même qui pourra être mis dans la balance (Cf. notre article). 

Mais la question n’est alors plus celle du remboursement partiel des frais de transport.

TJ Paris, 5 juill. 2022, n° RG 22/04735