Mesures d’urgence de la crise sanitaire, premier arrêt de la Cour de cassation

L’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos, a notamment autorisé les employeurs à imposer la prise de jours de repos acquis par les salariés, dans la limite de dix jours, moyennant un délai de prévenance d’au moins un jour franc (articles 2 à 5 de l’ordonnance). Cette faculté était soumise à une condition : l’employeur devait pouvoir démontrer que « l’intérêt de l’entreprise le justifiait eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19 ».

La Cour de cassation est saisie pour la première fois sur l’interprétation de cette condition de mise en œuvre des mesures dérogatoires.

Dans cette affaire, la société n’avait pas de difficultés économiques mais invoquait la nécessité d’adapter son fonctionnement aux conséquences de la crise sanitaire, confrontée non seulement à une augmentation inattendue de l’absentéisme tenant au fait qu’une partie des collaborateurs se trouvait à leur domicile sans pouvoir exercer leur activité en télétravail, et également à l’obligation d’aménager les espaces de travail et d’adapter le taux d’occupation des locaux en raison des conditions sanitaires.

Le Conseil de prud’hommes avait considéré que toutes les entreprises devaient pouvoir mettre en œuvre les dispositions autorisées par l’ordonnance du 25 mars 2020, les juges d’appel avaient, quant à eux, estimés que l’employeur devait démontrer l’existence de difficultés économiques liées au covid-19 pour recourir aux mesures dérogatoires.

La Cour de cassation adopte une position médiane et pragmatique. 

Elle constate que si l’entreprise n’était pas en situation de difficulté économique, elle devait faire face à des difficultés d’organisation du travail en lien avec la crise sanitaire. 

La haute juridiction considère que ces mesures dérogatoires peuvent être mobilisées par l’employeur lorsque la crise sanitaire a un retentissement sur le fonctionnement de l’entreprise. Les difficultés économiques à proprement parlé ne sont donc pas la seule condition pour mettre en œuvre les facilités offertes par l’ordonnance du 25 mars 2020.

Par ailleurs, la Cour de cassation précise l’articulation de ces dispositions avec la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020, instaurant un dispositif d’activité partielle pour les salariés ne pouvant reprendre le travail à l’issue de la période de confinement. 

Les salariés vulnérables, ceux partageant le même domicile qu’une personne vulnérable, les parent d’un enfant de moins de seize ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement pouvaient alors bénéficier d’une mise en activité partielle. L’employeur pouvait choisir de ne pas recourir à l’activité partielle pour ces salariés et les maintenir à domicile avec leur entière rémunération.

La Cour de cassation relève que cette dérogation au régime commun de l’activité partielle est justifiée par la situation personnelle des salariés, alors que celle permettant l’imposition de prise de jours de repos vise à répondre à la situation concrète de l’entreprise.

Elle en déduit que l’employeur, en mesure de mettre en activité partielle ses salariés dans l’impossibilité de travailler, ne peut imposer la prise de repos à ces derniers s’il décide de les maintenir à domicile.

Cass. soc., 6 juillet 2022 n° 21-15.189