Nullité du licenciement et pouvoir du juge en matière d’indemnisation

Depuis l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l’article L.1235-2-1 du code du travail prévoit qu’« en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié, sans préjudice de l’article L.1235-3 du code du travail (qui fixe le barème) ».

Rappelons que la nullité du licenciement est un motif dit « contaminant », c’est-à-dire que si l’un des griefs reprochés au salarié dans la lettre de licenciement encourt la nullité, le licenciement est nul quels que soient les autres griefs contenus dans la lettre.

L’article L.1235-2-1 du code du travail prévoit donc une sorte de pondération à cette règle du motif contaminant : si les autres motifs invoqués sont fondés, le juge pourra en tenir compte pour fixer le montant de l’indemnité, dans le respect du plancher de six mois, prévu en cas de nullité du licenciement.

Pour la première fois, la Cour de cassation nous donne son interprétation de ce texte.

Dans cette affaire, une salariée assistante dentaire fait l’objet d’un avertissement pour absence injustifiée. Elle saisit le CPH d’une demande de résiliation de son contrat de travail, ainsi que d’annulation de son avertissement. Son employeur la licencie, et parmi les motifs, la lettre de licenciement mentionne son action en justice qui rend désormais la relation professionnelle impossible. 

Ce seul motif de licenciement encourt la nullité, et la cour d’appel retient qu’il n’y a pas lieu d’examiner les autres motifs de licenciement pour apprécier le montant de l’indemnité.

L’employeur forme un pourvoi et fait valoir que les termes de l’article L.1235-2-1 obligent le juge à examiner l’ensemble des griefs et d’en tenir compte dans son évaluation de l’indemnité due.

Contrairement à toute attente, étant donné la rédaction du texte en question, la Haute juridiction décide que le juge n’a pas à examiner d’office les autres griefs. 

« Ces dispositions offrent ainsi à l’employeur un moyen de défense au fond sur le montant de l’indemnité à laquelle il peut être condamné, devant être soumis au débat contradictoire. » Notons que tout moyen relevé d’office doit également être soumis au débat contradictoire (Civ. 1ere 26 mai 2021 n° 20-12.512).

Mais pour la Cour de cassation, si l’employeur ne se saisit pas de ce moyen de défense, le juge n’a pas à examiner les autres griefs. 

En revanche, « lorsque l’employeur le lui demande, le juge examine si les autres motifs invoqués sont fondés et peut, le cas échéant, en tenir compte pour fixer le montant de l’indemnité versée au salarié qui n’est pas réintégré, dans le respect du plancher de six mois prévu par l’article L. 1235-3-1 ».

Notons par ailleurs le deuxième point tranché par la Cour de cassation à propos de l’article L. 1235-4 du Code du travail. Ce dernier prévoit que l’employeur doit rembourser les allocations chômages versées au salarié, dans la limite de 6 mois, lorsque la nullité du licenciement est prononcée en raison :

– d’une discrimination,

– d’une action en justice engagée par le salarié sur le fondement de la discrimination ou de la rupture de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, 

– de la violation des dispositions relatives au harcèlement moral ou sexuel,

– de l’absence ou de l’insuffisance du PSE.

La Cour de cassation relève que l’action en justice, engagée sur des fondements autres que les principes de non-discrimination ou de l’égalité professionnelle, ne figure pas parmi les motifs de nullité prévus par l’article L.1235-4 du code du travail. Le juge ne peut donc pas ordonner le remboursement des allocations chômage dans ce cas précis.

Un oubli du législateur ?

Cass. soc., 19 octobre 2022, no 21-15.533 FS-B