Employeurs, renoncez à la faute lourde !
Détourner les fonds de l’entreprise porte certes un préjudice à l’employeur mais n’autorise pas ce dernier à licencier pour faute lourde l’auteur du détournement. En effet, la faute lourde n’est pas une faute d’une exceptionnelle gravité, mais un agissement commis dans l’intention de nuire à son employeur.
C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans deux arrêts du 22 octobre 205 (nos 14-11.291, 14-11.801 FP-PB).
Dans la première affaire, un salarié avait détourné à son profit une facture de 60 000 €.
Dans la seconde, le directeur d’une maison de retraite s’était octroyé une prime de 3 000 €, des acomptes sur salaire de 15000 € sans prévision de modalités de remboursement, et avait également fait profiter deux salariés d’avantages anormaux.
Certes, le préjudice porté à l’entreprise est indéniable. Toutefois, la Cour de cassation précise que l’intention de nuire, nécessaire à la qualification de la faute lourde, implique la volonté de porter préjudice à l’employeur.
Donc le salarié peut nuire à son employeur mais s’il n’a pas agi dans ce but, on dira que le préjudice porté à l’employeur n’est qu’un dommage collatéral de la commission des faits fautifs.
Quelle que soit l’importance du préjudice, il ne permettra pas un licenciement pour faute lourde.
Toutefois, la faute lourde existe encore. Elle est peut en effet être admise dans les cas d’actes de détournement de clientèle au profit d’une société concurrente.
En revanche, en cas de vol, détournement de fonds, l’intention de nuire ne sera généralement pas retenue.
Ne pouvant invoquer une faute lourde, l’employeur sera donc dans l’impossibilité de mettre en jeu la responsabilité civile de son salarié indélicat… Reste alors la responsabilité pénale si les agissements du salarié sont susceptibles de relever d’une infraction pénale. L’élément intentionnel de l’infraction est en effet apprécié de façon différente pour certaines infractions. L’élément intentionnel de l’abus de confiance par détournement de fondsest contenu dans l’acte matériel du détournement. L’employeur pourra dès lors, es qualité de partie civile, se voir indemnisé de son préjudice.
La jurisprudence n’est pas nouvelle, pourtant l’interprétation très restrictive faite par la Cour de cassation conduit plus certainement les salariés devant une juridiction pénale, ce qui ne leur est pas favorable.