La rupture conventionnelle à l’épreuve des vices du consentement
La rupture conventionnelle confortée depuis le début de l’année par la Chambre sociale de la Cour de cassation vient peut-être de connaitre les limites de son ascension.
En admettant avec pragmatisme qu’une rupture conventionnelle puisse être signée dans un contexte conflictuel (Cass. soc., 23 mai 2013, no 12-13.865) la Cour de cassation a placé la liberté du consentement exprimé par le salarié au cœur des débats.
La consigne est donc donnée aux juges du fond de vérifier, selon les règles classiques de validité des conventions, que le consentement est exempt de vices : « il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol » (C.civ. art. 1109).
En conséquence, c’est sur le terrain du consentement que fleurissent les contestations. Les juges ont ainsi estimé qu’une situation de violence morale dans laquelle se trouvait une salariée du fait du harcèlement moral dont elle était victime constituait un vice du consentement justifiant l’annulation de la rupture conventionnelle (Cass. soc., 30 janvier 2013, n° 11-22.332).
L’erreur lors du consentement est également soulevée afin d’obtenir l’annulation de la rupture conventionnelle signée, comme par exemple, le défaut d’information conduisant à une erreur viciant le consentement du salarié. En droit civil, pour que l’erreur soit une cause d’annulation, il faut que le juge constate que si le signataire n’avait pas commis cette erreur, il n’aurait pas consenti à la convention.
Dans un arrêt du 5 novembre 2014(n°13-16.372), la Haute Juridiction a ainsi décidé qu’une rupture conventionnelle peut être annulée en raison de l’erreur du salarié résultant de la transmission par l’employeur de renseignements manifestement erronés sur le calcul de l’allocation chômage.
Les textes n’imposent pas à l’employeur d’obligation d’information relative aux droits à l’allocation chômage du salarié signataire d’une rupture conventionnelle. L’employeur doit seulement signaler au salarié la possibilité qu’il a de contacter les services qui pourront l’aider à prendre sa décision. En toute logique, cette simple mention devrait sous-entendre que le salarié est responsable de la suite de son cursus, qu’il a les moyens de s’informer. Bref, tel le « bon père de famille » de référence du droit civil, le salarié doit être capable d’un minimum de réflexion.
D’ailleurs, la Cour de cassation a reconnu que l’absence d’information ne vicie pas forcément le consentement du salarié (Cass. Soc. 29 janvier 2014 n°12-25.951) : en l’espèce, le salarié estimait que son employeur aurait dû l’informer qu’il pouvait prendre contact avec Pôle emploi afin d’être en mesure d’envisager la suite de son parcours professionnel avant de consentir à la rupture conventionnelle. Les juges du fond refusent de considérer que cette absence d’information ait conduit à vicier son consentement dans la mesure où le salarié avait un projet de création d’entreprise, et qu’il avait donc bel et bien prévu la suite de son parcours professionnel.
Pourtant, dans l’affaire du 5 novembre, l’employeur a été condamné pour ne pas avoir expliqué au salarié que la rémunération annuelle brute prise en compte pour le calcul de l’indemnité conventionnelle n’était pas celle prise en compte pour le calcul des futures indemnités de retour à l’emploi. L’employeur le savait-il d’ailleurs ? Peu importe donc que le salarié ait 15 jours, durée du délai de rétractation, pour se rapprocher de son pôle emploi afin de vérifier le montant des allocations auxquelles il aura droit. Cette condamnation est lourde de conséquences puisque la rupture conventionnelle a été annulée requalifiant la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le montant des indemnités versées au salarié a donc été doublé.
On peut donc penser que, pour les juges du fond, le salarié, tel le consommateur, est novice dans l’évaluation de ce à quoi il consent. Le calcul de ses indemnités de chômage relève de la compétence de son employeur, considéré comme seul professionnel dans la relation de travail qui les lie. Dans le doute (l’évaluation de consentement sera faite au cas par cas par les juges du fond) il appartient donc à ce dernier d’informer son salarié sur toutes les conséquences liées à la rupture conventionnelle afin de ne pas risquer une requalification.
Des précautions sont désormais à prendre au moment de la signature de la rupture conventionnelle, d’autant plus que la voie de la transaction a elle aussi été fermement bordée par la Cour de cassation (Cass. Soc. 26 mars 2014 n° 12-21136).