Quand le temps de trajet des salariés itinérants devient un temps de travail effectif

L’article L. 3121-4 du Code du travail pose pour principe que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif mais peut ouvrir un droit à contrepartie sous forme de repos ou de compensation financière dans l’hypothèse où il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail. 

Cet article s’applique aux salariés itinérants, et la Cour de cassation a déjà eu à connaitre de la question de l’évaluation du trajet « normal » de ces salariés et en conséquence de la contrepartie qui devait leur être allouée (Cass. soc. 30 mars 2022 n°20-15.022 cf. notre article).

Dans un arrêt du 23 novembre 2022, destiné à une large publicité, la haute juridiction précise que, dans certains cas, le temps de trajet d’un salarié itinérant entre son domicile et son premier client, puis entre son dernier client et son domicile peut être pris en compte au titre des heures supplémentaires. 

En l’occurrence, un salarié commercial itinérant se rendait chez ses clients à l’aide du véhicule mis à disposition par son employeur. Au cours de ses trajets automobiles, ce salarié exerçait ses fonctions commerciales habituelles à l’aide de son téléphone professionnel en kit main libre. Une partie de ses communications téléphoniques professionnelles avaient ainsi lieu sur le chemin qui le menait de son domicile à son premier client puis de son dernier client à son domicile, sans faire l’objet d’une rémunération. 

Il saisit la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation de son contrat de travail, et notamment d’une demande en paiement de rappels de salaire à titre d’heures supplémentaires correspondant au temps de trajet entre son domicile et les premiers et derniers clients de la journée. 

La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir relevé que les conditions de déplacement du salarié l’obligeaient à se tenir à la disposition de son employeur et de se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles, et d’en avoir conclu que ces temps de trajet étaient des temps de travail effectif, conformément à l’article L.3121-1 du code du travail.

L’arrêt est dans la veine de celui du 26 octobre 2022, où la Cour de cassation a qualifié de temps de travail effectif, une astreinte durant laquelle le salarié était soumis à des contraintes d’une intensité telle qu’elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa capacité de vaquer à ses obligations personnelles lorsque ses services professionnels n’étaient pas sollicités (cf. notre article).

Les évolutions jurisprudentielles en matière de temps de travail se font à la lumière de la directive 2003/88/CE, qui impose le respect effectif des périodes minimales de repos journalier et hebdomadaire, ainsi que de la durée maximale hebdomadaire de travail, et en conséquence, un décompte précis de ce qui relève du temps de travail.

Cass. soc., 23 novembre 2022, no 20-21.924 FP-B + R