Temps de trajet ou temps de travail effectif ?

Aux termes de l’article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif et n’ouvre droit à une contrepartie sous forme de repos ou de compensation financière que dans l’hypothèse où il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail.

Les salariés itinérants ne sont pas exclus de l’application de l’article L.3121-4 du code du travail (Cass. soc. 31 mai 2006 n°04-45.217). Toutefois, pour ces derniers, les conditions d’exercice de leur fonction rendent l’application de cette règle plus délicate.

En premier lieu, la question de la détermination de ce temps « normal » de trajet a été réglée par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 mai 2011. Elle a considéré que le temps de trajet normal d’un salarié itinérant devait s’apprécier par référence au temps de trajet d’un salarié sédentaire (Cass. soc. 4 mai 2011 n°09-67.972).

En second lieu, les conditions de déplacement du salarié itinérant peuvent, selon la Haute juridiction, exclure l’applicabilité de l’article L.3121-4 du code du travail, lorsque pendant son temps de déplacement, le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. Son temps de déplacement doit alors être qualifié de temps de travail effectif (Cass. soc.  30 mars 2022 n°20-15.022 cf. notre article). 

Dans un arrêt du 1er mars 2023, elle confirme sa position du 30 mars 2022.

En l’espèce, un salarié, technicien de maintenance, effectue des opérations de maintenance sur les distributeurs de carburant sur un secteur couvrant la partie Nord de la France, il exécute également des petits dépannages en région Normandie. Dans le cadre de son activité, un véhicule de service lui est alloué dans lequel il est amené à transporter des pièces détachées commandées par les clients et qu’il doit leur livrer.

Il saisit la juridiction prud’homale d’une demande de rappel de salaire, et fait valoir que ses temps de déplacement doivent s’analyser en temps de travail effectif.

Il est débouté par la cour d’appel, qui considère que le salarié bénéficiait d’une certaine autonomie et ne se trouvait pas à la disposition permanente de l’employeur préalablement à son départ. 

L’arrêt est censuré par la Cour de cassation qui juge qu’ « en se déterminant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le salarié était soumis à un planning prévisionnel pour les opérations de maintenance et que, pour effectuer ces opérations, il utilisait un véhicule de service et était amené à transporter des pièces détachées commandées par les clients, la cour d’appel, qui a statué par des motifs insuffisants à établir que, pendant les temps de déplacement, le salarié ne se tenait pas à la disposition de l’employeur, qu’il ne se conformait pas à ses directives et qu’il pouvait vaquer à des occupations personnelles, n’a pas donné de base légale à sa décision. » 

Ainsi, pour que le déplacement puisse être qualifié de temps de trajet, le salarié doit avoir une réelle autonomie dans son organisation.

Cass. soc., 1er mars 2023, n°21-12.068, F-B