Barème Macron : la Cour de cassation met fin au débat

Après plusieurs années d’intenses controverses, la Cour de cassation se prononce sur la conventionnalité du « barème Macron » plafonnant le montant des indemnités dues par l’employeur en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse.

A la suite de l’audience tenue en assemblée plénière le 31 mars dernier, la Cour de cassation vient de rendre sa décision.

1. La Cour de cassation confirme la conformité du barème prévu à l’article L.1235-5 du code du travail à a convention n°158 de l’OIT. 

L’article 10 de la convention n°158 de l’OIT prévoit, en cas de licenciement injustifié, le versement d’une « indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ». La Cour de cassation rappelle que selon le conseil d’administration de l’OIT le terme « adéquat » visé à l’article 10 de la Convention signifie que l’indemnité pour licenciement injustifié doit, d’une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d’autre part raisonnablement permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi. »

Elle relève que :

–       le barème ne s’applique pas en cas de faute grave de l’employeur (violation d’un droit fondamental, harcèlement, discrimination, etc…, cf. la liste de l’article L. 1235-3-1 du code du travail). Ainsi, précise-t-elle dans son communiqué, « le barème non seulement tient compte de l’ancienneté du salarié et de son niveau de rémunération, mais son application dépend de la gravité de la faute commise par l’employeur » ;

–       L’obligation faite au juge par le code du travail d’ordonner d’office à l’employeur de rembourser aux organismes d’assurance-chômage jusqu’à 6 mois d’indemnités… élément suffisamment dissuasif selon la Cour de cassation.

Elle conclut en conséquence à la conventionnalité du barème (pourvoi n° 21-14.490).

2. La Cour de cassation stoppe toute velléité de contrôle in concreto

Le contrôle in concreto autorise le juge national a écarter une norme de droit interne si son application porte une atteinte disproportionnée à un droit fondamental garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

Les cours d’appel de Chambéry et Reims avaient ouvert la brèche et admis un contrôle de conventionnalité in concreto.

La Cour de cassation colmate la brèche : ce contrôle « reviendrait pour le juge français à choisir d’écarter le barème au cas par cas », « créerait pour les justiciables une incertitude sur la règle de droit applicable, qui serait susceptible de changer en fonction de circonstances individuelles et de leur appréciation par les juges » et « porterait atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi ».

Les juges devront s’en tenir au barème.

3.  La Cour de cassation refuse tout effet direct à l’article 24 de la Charte sociale européenne.

Le  deuxième arrêt (pourvoi n° 21-15.247) est l’occasion pour la Haute juridiction d’évacuer l’article 24 de la Charte sociale européenne.

Cet article prévoit que les parties s’engagent à reconnaître au travailleur licencié sans motif valable le droit à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée, et ce, « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement ».

Les termes sont proches de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT. Toutefois, la Cour de cassation explique, dans son communiqué, que « la Charte sociale européenne repose sur une logique programmatique : elle réclame des États qu’ils traduisent dans leurs textes nationaux les objectifs qu’elle leur fixe. »

Elle ajoute que le contrôle du respect de la Charte est confié au seul Comité européen des droits sociaux (CEDS), qui, en cas de réclamation, rend une décision qui n’a pas de caractère contraignant en droit français.

En conclusion, « les employeurs et les salariés ne peuvent se prévaloir de l’article 24 de la Charte sociale européenne devant le juge en charge de trancher leur litige ».

La Cour de cassation (qui, pour mémoire, avait déjà rendu un avis le 17 juillet 2019 confirmant la compatibilité du barème avec la convention n°158 de l’OIT) a donc maintenu sa position, considérant que les juges du fond ne peuvent écarter, même au cas par cas, le barème.

Cass. soc.11 mai 2022 n°21-14.490 et 21-15.247