Action visant à faire reconnaitre l’existence d’un contrat de travail, quelle prescription ?

Les délais de prescription en droit civil sanctionnent l’inaction d’un justiciable, sa négligence à faire valoir un droit. En outre, cette interdiction d’agir permet également de stabiliser une situation de fait sur le plan juridique.

En droit du travail, de multiples délais de prescription sont ainsi fixés, et trouvent leur source dans le code du travail (article L.1471-1 du Code du travail) ou dans le code civil (article 2224 du code civil). Leur durée varie en fonction de la problématique (discrimination, harcèlement, rémunération, exécution ou rupture du contrat de travail).

Si les textes fixent les délais de prescription, la jurisprudence intervient régulièrement afin d’apporter des précisions indispensables.

Dans deux arrêts du 11 mai 2022, la Cour de cassation s’est ainsi prononcée sur le délai de prescription attaché à une action en reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail.

Une première affaire concernait un journaliste photographe ayant travaillé pour une société de presse, en qualité de correspondant local de presse durant trois ans, puis comme pigiste durant 4 ans. Il est ensuite engagé en contrats à durée déterminée en remplacement de salariés absents, à la suite du quoi, il reprend son activité de pigiste de 2009 jusqu’au mois de mai 2015, date à laquelle la collaboration cesse. En juillet 2016, il saisit le conseil de prud’homme d’une demande de qualification de la relation professionnelle en contrat de travail et de versement d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (pourvoi n°20-14.421).

Une deuxième affaire du même jour concernait une salariée, ayant été engagée en CDI comme médecin-conseil en avril 1992 mais estimant que la relation de travail avait en réalité commencé le 1er février 1984, alors qu’elle exerçait auprès de la société à titre libéral (pourvoi n°20-18.084).

Dans les deux affaires, les juges avaient à trancher sur l’éventuelle prescription de l’action des demandeurs.

La Cour de cassation rappelle que deux délais de prescription peuvent s’appliquer :

– Le délai de droit commun de l’article 2224 du code civil : « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer »

– le délai spécifique posé par l’article L.1471-1 du Code du travail (dans sa version applicable aux affaires) : « Toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Soulignons que depuis l’ordonnance nº 2017-1387 du 22 septembre 201, l’article L.1471-1 du code du travail précise désormais que les actions portant sur la rupture du contrat de travail se prescrivent par douze mois à compter de la notification de la rupture.

La Haute juridiction déduit de la combinaison de ces deux articles que « l’action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail, revêt le caractère d’une action personnelle et relève de la prescription de l’article 2224 du code civil. » C’est donc la prescription quinquennale de droit commun qui doit s’appliquer.

Quant au point de départ de cette prescription, elle précise que la qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l’activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle, dont la qualification est contestée, a cessé. C’est en effet à cette date que le titulaire connaît l’ensemble des faits lui permettant d’exercer son droit.

Cass. soc. 11 mai 2022 n°20-14.421 et n°20-18.084