Rétrospective de jurisprudence sociale

Les arrêts majeurs de l’année 2023

EXECUTION DU CONTRAT

Rémunération

Validité d’une prime d’arrivée ayant pour objet la fidélisation du salarié et subordonnée à une condition de présence de celui-ci dans l’entreprise

Cass. soc., 11 mai 2023, n° 21-25.136

L’employeur peut assortir une prime qu’il institue de conditions, sous réserve qu’elles ne portent pas atteinte aux libertés et droits fondamentaux du salarié. 

En l’espèce, la chambre sociale valide une clause contractuelle prévoyant une prime d’arrivée versée au salarié dans les trente jours de son entrée en fonction, qui lui était acquise s’il restait dans l’entreprise pendant une durée de trois ans et qui était remboursable, prorata temporis, notamment en cas de démission avant l’échéance de cette durée.

Santé et sécurité

Obligation pour l’employeur d’assurer un suivi de la charge de travail de ses salariés en forfait jours

Cass. soc., 13 avril 2023, n° 21-20.043 

L’employeur qui ne justifie pas avoir mis en œuvre des entretiens annuels permettant d’évoquer la charge de travail du salarié en forfait jours et son adéquation avec sa vie personnelle manque à son obligation de sécurité.

Inaptitude

Salarié déclaré inapte par le médecin du travail : l’employeur ne peut le licencier pour une autre cause que l’inaptitude

Cass. soc., 8 février 2023, pourvoi n° 21-16.258

Il résulte des dispositions d’ordre public des articles L.1226-2 et L.1226-2-1 du code du travail que, lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur ne peut prononcer un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, peu important qu’il ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause.

La mention expresse de dispense de reclassement dans l’avis d’inaptitude dispense l’employeur de rechercher un reclassement dans le groupe.

Cass. soc., 8 février 2023, n°21-19.232, FS-B

La Cour de cassation décide que la mention expresse de l’avis du médecin du travail « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un/l’emploi » dispense l’employeur de rechercher un reclassement non seulement dans l’entreprise mais également dans le groupe auquel elle appartient.

Une relecture attentive de l’avis médical s’impose …

Pour la Cour de cassation, la formule dans l’avis médical doit se retrouver telle quelle pour que l’employeur soit exempté d’une recherche de reclassement. Deux arrêts illustrent la rigueur de la Haute juridiction : 

Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-12.970 

L’avis mentionnait « tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé », et non « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » (formule de l’article L.1226-2-1 du code du travail). 

L’employeur devait donc procéder à une recherche de reclassement.

Cass. soc., 13 décembre 2023, n°22.19-606

Le médecin avait bien coché la case mentionnant que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » mais avait précisé que l’inaptitude faisait obstacle sur le site à tout reclassement dans un emploi.

La Cour de cassation en déduit que le médecin du travail avait entendu limiter l’impossibilité de reclassement au site sur lequel travaillait le salarié. 

Durée du travail

Salarié à temps partiel, priorité d’emploi à temps plein et charge de la preuve

Cass. soc., 13 avril 2023, n° 21-19.742

Les salariés à temps partiel qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi à temps complet dans le même établissement, ou à défaut, dans la même entreprise, ont priorité pour l’attribution d’un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d’un emploi équivalent. L’employeur porte à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants.

En l’espèce, une salarié sollicitait le paiement de dommages-intérêts pour non-respect par la société de la priorité d’embauche à temps plein. La Cour d’appel la déboute de sa demande considérant qu’elle ne justifiait pas qu’il existait des emplois à temps plein correspondant à sa catégorie professionnelle à pourvoir.

La Cour de cassation casse l’arrêt et juge, pour la première fois en la matière, qu’en cas de litige, il appartient à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a satisfait à son obligation en établissant, soit qu’il a porté à la connaissance du salarié la liste des postes disponibles ressortissant de sa catégorie professionnelle ou d’un emploi équivalent, soit l’absence de tels postes.

Le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail quotidienne ouvre droit à la réparation.

Cass. soc., 11 mai 2023, n° 21-22.281,

Après avoir affirmé que le seul constat de la durée maximale hebdomadaire du travail ouvrait droit à réparation (Cass. soc., 26 janvier 2022 n°20-21. 636), la Cour de cassation poursuit sa logique à propos de la durée maximale quotidienne. 

L’obligation de l’employeur participe en effet d l’objectif de garantie de la sécurité et de la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant et du respect effectif des limitations de durées maximales de travail concrétisé par le droit européen (directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail).

Le contrôle de la durée du travail est une composante de l’obligation de sécurité

Cass. soc., 5 juillet 2023, n°21-24.122

La Cour de cassation affirme pour la première fois que l’employeur qui méconnaît son obligation de contrôler la durée du travail manque à son obligation de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des salariés en matière de durée du travail.

Ne respecte pas son obligation de contrôle de la durée du travail, l’employeur qui se contente d’un système déclaratif pour les heures supplémentaires, peu importe que des négociations soient en cours au sein de l’entreprise sur le temps de travail et les moyens de son contrôle. 

La Cour de cassation ne dit pas quel type de contrôle l’employeur doit mettre en place, ce qui relève de son pouvoir de direction, mais alerte sur le fait qu’un système déclaratif n’est pas suffisant.

Temps de travail effectif et temps de trajet entre deux sites

Cass. soc., 7 juin 2023, n°21-22.445

Un salarié, qui exerçait les fonctions d’enquêteur mystère, avait pour mission de se rendre dans des concessions automobiles sur le territoire national afin de tester leurs services.

Il avait saisi la juridiction prud’homale afin de solliciter le paiement d’heures supplémentaires, incluant les temps de trajet effectués pour rejoindre ses différents lieux de travail.

La Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel, reprochant à cette dernière de n’avoir pas concrètement analysé les conditions de déplacement du salarié et d’avoir qualifié les temps de déplacement professionnels de travail effectif.

« Ne donne pas de base légale au regard de ce texte la cour d’appel qui, pour condamner l’employeur au paiement d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, retient que doivent être assimilés à un temps de travail effectif les temps de trajets effectués par le salarié entre deux lieux de travail successifs différents dans le cadre de déplacements prolongés sans retour au domicile, nécessité par l’organisation du travail selon des plannings d’interventions déterminés par l’employeur, alors qu’elle constatait que le salarié ne visitait qu’une concession par jour et sans vérifier si les temps de trajets effectués par le salarié pour se rendre à l’hôtel pour y dormir, et en repartir, constituaient, non pas des temps de trajets entre deux lieux de travail, mais de simples déplacements professionnels non assimilés à du temps de travail effectif, ni caractériser que, pendant ces temps de déplacement en semaine, et en particulier pendant ses temps de trajets pour se rendre à l’hôtel afin d’y dormir, et en repartir, le salarié était tenu de se conformer aux directives de l’employeur sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. »

Temps de travail effectif et temps de parcours du salarié entre l’entrée du site et la pointeuse

Cass. soc., 7 juin 2023, n° 21-12.841

Un salarié travaillant dans une centrale nucléaire demande le paiement de son temps de trajet entre la pointeuse à l’entrée du site et son bureau, faisant valoir que ce temps de trajet était du temps de travail effectif dans la mesure où il devait respecter un règlement intérieur pointilleux régissant la circulation à l’intérieur de la centrale. 

La cour d’appel le déboute de ses demandes estimant que le règlement de circulation était imposé par le propriétaire du site et non par l’employeur du salarié, et que, avant d’atteindre son bureau il n’était donc pas à disposition de son employeur.

La Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel. Le fait que l’employeur ne soit pas à l’origine du règlement de circulation est inopérant. Les juges du fond devaient examiner les contraintes et sujétions qui pesaient sur le salarié afin de déterminer si les temps litigieux constituent ou non du travail effectif.

Congés payés

Congés payés, acquisition de droit à congés payés durant la suspension du contrat de travail pour maladie non professionnelle.

Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.340 à 22-17.342

Selon l’article 7 de la directive du 4 novembre 2003 tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union Européenne, lorsque le salarié ne peut pas travailler en raison de son état de santé, situation indépendante de sa volonté, son absence ne doit pas avoir d’impact sur le calcul de ses droits à congé payé.

Le droit français n’était pas conforme au droit européen en vertu de l’article L.3141-3 du code du travail qui lie l’acquisition de congés payés au travail effectif (sauf pour certaines absences assimilées par la loi à du travail effectif comme les absences pour maladie professionnelle ou accident du travail).

S’appuyant sur l’article 31§2, de la Charte des droits fondamentaux, et sur la jurisprudence de la CJUE, la Cour de cassation « écarte partiellement l’application des dispositions de l’article L. 3141-3 du code du travail en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un travail effectif l’acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle ».

Les périodes de suspension du contrat pour accident du travail ou maladie professionnelle supérieures à un an doivent être prises en compte pour l’acquisition et le calcul des droits à congés payés

Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-17.638

En cas d’arrêt de travail suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’article L.3141-5 du code du travail assimile la période d’arrêt à du temps de travail effectif pour l’acquisition de congés payés … dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an. 

Cette limite légale n’est pas conforme au droit européen.

S’appuyant sur l’article 31§ 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et sur la jurisprudence de la CJUE, la Cour de cassation écarte les dispositions de l’article L.3141-5 du code du travail prévoyant cette limitation à une durée d’un an.

Désormais, les périodes de suspension du contrat pour accident du travail ou maladie professionnelle supérieures à un an doivent être prises en compte pour l’acquisition et le calcul des droits à congés payés.

Les congés payés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail

Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-14.043

Jusqu’à présent, la Haute juridiction jugeait que la décision du salarié de bénéficier d’un congé parental d’éducation s’imposait à l’employeur, ce dont il résultait que l’intéressé, qui a lui-même rendu impossible l’exercice de son droit à congé payé, ne pouvait prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés.

La Haute juridiction change son fusil d’épaule au nom du droit au congé annuel payé, principe essentiel du droit social de l’Union et sur le fondement de l’accord-cadre révisé sur le congé parental figurant à l’annexe de la directive 2010/18/UE du Conseil du 8 mars 2010, prévoyant que les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus en l’état jusqu’à la fin du congé parental.

Le point de départ de la prescription en matière d’indemnité de congés payés dépend des diligences accomplies par l’employeur

Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-10.529

En l’espèce, un contrat de prestation de service est requalifié en contrat de travail et la Cour d’appel retient l’indemnité de congés payés sur les seules trois dernières années de collaboration, sur le fondement de la prescription triennale des sommes de nature salariales. 

Créance de nature salariale, le délai de prescription de trois ans court à compter de l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris. Si ce point de départ ne change pas, la Cour de cassation décide qu’en application du droit de l’Union, le délai de prescription de l’indemnité de congé payé ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congé payé. 

Dans l’affaire soumise, l’employeur n’avait pas pris de mesures pour que l’enseignante bénéficie de congés payés puisqu’il n’y avait pas de contrat de travail pour lui. Ainsi, la prescription n’avait pas commencé à courir.

Liberté fondamentale

Dénonciation d’un harcèlement moral : la Cour de cassation n’exige plus que le salarié ait expressément qualifié les faits de « harcèlement » dans sa dénonciation pour que la nullité soit encourue. 

Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-21.053

Le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce.

Jusqu’à cet arrêt, pour bénéficier de cette protection, le salarié devait, de lui-même, qualifier les faits d’agissements de harcèlement moral.

La seule concomitance entre un licenciement et une dénonciation de harcèlement ne suffit pas à emporter la nullité du licenciement

Cass. soc., 18 octobre 2023, n°22-18.678

Une salariée est licenciée pour faute grave, après avoir dénoncé un harcèlement sexuel. Elle soutenait que son licenciement était lié en fait à sa plainte de harcèlement et demandait en conséquence que soit reconnue la nullité de son licenciement. 

La cour d’appel, considérant que « les faits reprochés à la salariée au sein de la lettre de licenciement sont concomitants à la date à laquelle la salariée a déposé plainte », en déduit que « la dénonciation de harcèlement sexuel a pesé sur la décision de licenciement », et conclut à la nullité du licenciement.

La décision est cassée par la Cour de cassation : dès lors que la lettre de licenciement ne fait pas mention de la dénonciation de harcèlement, le juge du fond doit rechercher si les motifs invoqués dans la lettre pour caractériser une faute grave sont établis par l’employeur. 

Si oui, il appartiendra alors au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel. 

Dans le cas contraire, la charge de la preuve de l’absence de lien entre dénonciation et licenciement pèsera sur l’employeur.

RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Rupture conventionnelle

La clause de dédit-formation ne s’applique pas en cas de rupture conventionnelle

Cass. soc.,15 mars 2023, n° 21-23.814 

En acceptant une clause de dédit-formation, le salarié s’engage, en contrepartie d’une formation financée par l’entreprise, à rester dans l’entreprise pendant une durée minimale ou à lui verser, au cas où il quitterait l’entreprise de sa propre initiative, une « indemnité de dédit ». 

En l’espèce, une salariée demande une rupture conventionnelle que son employeur accepte. L’employeur saisit le juge d’une demande de paiement de l’indemnité de dédit. Il fait valoir que la rupture était à l’initiative du salarié et que la clause de dédit formation prévoyait bien le remboursement, en tout ou partie, des frais de formation si le salarié quittait l’entreprise à son initiative.

Pour la Cour de cassation, peu importe la partie à l’initiative de la rupture conventionnelle, la volonté de mettre fin à la relation de travail est partagée, et n’est donc exclusivement imputable à aucune des parties. La clause de dédit formation n’est donc pas applicable lors d’une rupture conventionnelle. 

Résiliation judiciaire : les manquements de l’employeur ne sont pas solubles dans le temps

Cass. Soc., 27 septembre 2023, n° 21-25.973

Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison des manquements de son employeur à ses obligations, suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

La Cour de cassation juge que, saisi d’une telle demande, le juge doit examiner l’ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté.

Il en résulte que l’action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être introduite tant que ce contrat n’a pas été rompu, quelle que soit la date des faits invoqués au soutien de la demande.

Licenciement

Licenciement des salariés demandeurs d’élections professionnelles non protégés

 Cass sociale, 28 juin 2023, n° 22-11.699

Si le salarié demandant lorganisation d’élections professionnelles ne bénéficie pas de protection particulière, les mesures de rétorsion sont toutefois sanctionnées par la jurisprudence. 

Toutefois, le fait qu’un licenciement soit prononcé concomitamment à une demande d’organisation professionnelle, ne suffit pas à présumer qu’il soit une mesure de rétorsion. La charge de la preuve de l’absence de lien pèsera sur l’employeur si les faits invoqués ne caractérisent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement. Dans le cas contraire, il appartiendra au salarié de prouver l’existence d’un lien et donc d’une mesure de rétorsion.

Licenciement individuel pour motif économique et priorité de réembauche : détermination du point de départ et du délai de la prescription

Cass. soc., 1er février 2023, n° 21-12.485

Pour la première fois, la Cour de cassation se prononce sur le délai de prescription applicable à l’action en dommages-intérêts d’un salarié pour non-respect par l’employeur de la priorité de réembauche, ainsi que sur son point de départ.

Un salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauche durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de son contrat s’il en fait la demande au cours de ce même délai.

La question se posait du délai de prescription : délai civil de 5 ans, délai de deux ans lié aux actions portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail (article L. 1471-1 du code du travail modifié depuis par l’ordonnance du 22 septembre 2017, devenu aujourd’hui un délai de deux ans pour les actions relative à l’exécution du contrat de travail et un an pour les actions relatives à la rupture du contrat de travail) ou le délai d’un an de l’article L1233-67 du code du travail pour les contestations relatives à la rupture du contrat de travail résultant de l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.

La Cour de cassation décide pour la première fois que l’action indemnitaire en cas de non-respect de la priorité de réembauche relève du champ de l’exécution du contrat de travail et des dispositions de l’article L.1471-1, et donc le délai de prescription applicable est de deux ans. 

Par ailleurs elle précise que le point de départ de la prescription est la date à laquelle la priorité de réembauche a cessé, soit à l’expiration du délai d’un an après la rupture du contrat de travail.

ACTION EN JUSTICE

Droit à la preuve de l’employeur et procès équitable

Recevabilité d’une preuve illicite : cas de l’utilisation d’un système de vidéosurveillance irrégulièrement mis en place

Cass. soc., 8 mars 2023, n° 21-17.802

L’installation d’un dispositif de vidéosurveillance sans respect de la procédure rend le dispositif irrégulier et les preuves qui en résultent illicites. 

En principe, les preuves illicites sont irrecevables en justice. Toutefois, les nécessités du droit à la preuve, consacré récemment par la Cour de cassation, conduisent à admettre la recevabilité d’une preuve illicite. 

L’arrêt donne aux juges du fond la méthodologie du contrôle à exercer : 

 (…) le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

Dans cette affaire, la recevabilité de la preuve illicite achoppe sur le caractère indispensable du moyen de preuve produit. 

Une salariée avait été licenciée pour faute grave, son employeur lui reprochant des irrégularités dans l’enregistrement et l’encaissement de ses prestations d’esthéticienne réglées en espèces. Il s’était fondé sur un moyen de preuve illicite, dans la mesure où la finalité du système de vidéosurveillance n’avait pas été portée préalablement à la connaissance de la salariée et où il n’avait pas demandé l’autorisation préfectorale alors exigée par la loi pour l’utilisation de ce système pendant la période concernée par les enregistrements litigieux. 

La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, relève que l’employeur se prévalait d’un audit, les enregistrements illicites venant confirmer les conclusions de l’audit, qu’il ne produisait pas. Il disposait en conséquence d’un autre moyen de preuve, licite quant à lui, ce qui rendait irrecevable les enregistrements illicites.

Recevabilité d’une preuve déloyale : cas de l’enregistrement clandestin

Cass. Ass. plen., 22 décembre 2023 n° 20-20.648

En l’espèce, l’employeur apportait pour preuve au soutien du licenciement de son salarié, un enregistrement réalisé à l’insu de ce dernier.

La cour d’appel avait écarté l’enregistrement clandestin au motif qu’il avait été obtenu de manière déloyale, suivant en ceci la jurisprudence de la Cour de cassation, et conclu au licenciement sans cause réelle et sérieuse du salarié, faute de preuve.

La décision est censurée par la Cour de cassation, qui effectue un revirement de jurisprudence.

Désormais, que la preuve soit illicite ou déloyale (recueillie à l’insu d’une personne, grâce à une manœuvre ou à un stratagème), elle peut être recevable à condition d’être indispensable au droit à la preuve, et que l’atteinte à la vie personnelle soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Ce revirement sur la possibilité de recevoir une preuve déloyale, décidé par l’assemblée plénière, est logique après la décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 12 avril 2023. Cette dernière a conclu qu’enregistrer un entretien préalable à l’insu de son employeur ne caractérisait pas le délit d’atteinte à l’intimité de la vie d’autrui prévu par l’article 226-1 1°, du Code pénal (Cass. crim., 12 avril 2023, n°22-83.581).