Admission d’une preuve illicite : mode d’emploi

Dans un arrêt du 10 novembre 2021 (n°20-12.263), la Cour de cassation a jugé au sujet d’un dispositif de vidéosurveillance que « l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. »

Dans un arrêt du 8 mars 2023, elle rappelle le contrôle que doit opérer le juge en présence d’une preuve illicite.

En l’espèce, un employeur diligente un audit qui met en évidence de nombreuses irrégularités concernant l’enregistrement et l’encaissement en espèces des prestations effectuées par une salariée, prothésiste ongulaire. Les soupçons de vol sont confirmés par les images d’une vidéosurveillance mise en place sans respecter les conditions de licéité du système (information de la salariée des finalités du dispositif de vidéosurveillance et de la base juridique qui le justifiait et autorisation préfectorale préalable dans ce cas). La salariée est donc licenciée pour faute grave. A l’appui du licenciement, l’employeur produit les enregistrements illicites.

La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir rejeté le mode de preuve. 

Elle précise qu’en présence d’une preuve illicite :

  • le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci, 
  • il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié, 
  • enfin, le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

En l’occurrence, c’est à raison que la cour d’appel a rejeté les enregistrements illicites, considérant que l’employeur pouvait utiliser un autre moyen, l’audit, comme mode de preuve, qu’il n’a pourtant pas versé aux débats. 

Cass. soc., 8 mars 2023, n°21-17.802, FS-B