L’articulation des consultations ponctuelles avec la consultation sur les orientations stratégiques

Ponctuellement, le CSE doit être consulté sur les projets intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise (article L.2312-8 du code du travail). Il doit plus spécifiquement être consulté en cas de projet de restructuration et de compression des effectifs (article L.2312-37 du code du travail).

Par ailleurs, le code du travail organise également des consultations récurrentes, annuelles si aucun accord n’est intervenu pour modifier cette périodicité, sur trois grands thèmes ((article L.2312-17 du code du travail)) : 

  • les orientations stratégiques, 
  • la situation économique de l’entreprise,
  • la politique sociale, les conditions de travail et de l’emploi. 

Un débat judiciaire s’est ouvert à propos de l’articulation de la consultation sur les orientations stratégiques avec la consultation sur un projet ponctuel.

La Cour d’appel de Paris a, par exemple, opté pour l’indépendance des deux types de consultation et décidé que l’employeur, en présence d’un projet ponctuel, n’était pas tenu d’attendre ou d’anticiper l’une des trois consultations annuelles (CA Paris, 3 mai 2018, RG n°17/90307, Naxitis).

Le TGI de Nanterre a, quant à lui, pris une décision opposée, le même mois, et a suspendu un projet de cession dans l’attente de la consultation sur les orientations stratégiques (TGI Nanterre, 28 mai 2018, ord. réf.18/011187).

La Cour de cassation a tranché dans un arrêt du 21 septembre 2022, destiné à une large publicité.

En l’occurrence, un établissement d’enseignement privé consultait son CSE sur un projet de fermeture d’un lycée, résiliant par là même le contrat d’association correspondant. Parallèlement, la direction convoquait le CSE pour une première réunion en vue de la consultation annuelle sur les orientations stratégiques.

Le CSE saisit le TGI pour obtenir la suspension de la procédure de consultation sur le projet de fermeture et de rupture du contrat d’association. Il fait valoir que ce projet ponctuel est un choix d’ordre stratégique, et n’est qu’un des éléments d’une orientation stratégique générale qui doit être débattue lors de la consultation récurrente sur les orientations stratégiques. Pour le CSE, cette dernière doit être en conséquence préalable à la consultation sur le projet ponctuel.

Il obtient gain de cause devant le TGI de Bobigny puis devant la cour d’appel de Paris.  

L’arrêt d’appel est cassé par la Cour de cassation : « la consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l’entreprise ».

Dans sa note explicative, la Haute juridiction rappelle que « les dispositions relatives à l’information et la consultation sur les orientations stratégiques (…) visent, par une consultation récurrente, à promouvoir l’anticipation dans les entreprises, tout en associant le CSE au processus de définition des orientations stratégiques. Aussi, par son objet et par sa temporalité, cette consultation a été définie indépendamment des consultations ponctuelles. Elle offre un cadre à une discussion prospective sur l’avenir général de l’entreprise, distincte des consultations ponctuelles du CSE relatives à un projet déterminé de l’employeur ayant des répercussions sur l’emploi, notamment en matière de restructurations. »

La chambre sociale ajoute dans sa note explicative que la solution s’inscrit dans la logique de l’arrêt du 30 septembre 2009 (n°07-20.525) selon lequel « la régularité de la consultation du comité d’entreprise sur un projet de licenciement économique n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le comité d’entreprise sur l’évolution annuelle des emplois et des qualifications ».

Consultations ponctuelles et consultations récurrentes sont donc indépendantes, il semble que le principe soit de portée générale.

Réservons toutefois, ainsi que l’a suggéré la cour d’appel de Paris dans sa décision du 18 mai 2018, le cas de la déloyauté, comme la dissimulation d’une nouvelle stratégie lors d’une consultation récurrente, rapidement mise en œuvre ensuite lors d’un projet ponctuel…

Cass. soc. 21 septembre 2022 n°20-23.660