Salariés étrangers : les conditions de maintien des droits lors de l’expiration du titre de séjour

Conformément à l’article L.8251-1 du code du travail, il est interdit d’embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.

La jurisprudence en déduit que l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail, celle-ci étant exclusive de l’application des dispositions relatives aux licenciements et de l’allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’obligation de rompre le contrat de travail du salarié sans titre de séjour présente un caractère impératif, à tel point qu’elle prévaut sur les dispositions protectrices des salariées enceintes (Cass. soc. 15 mars 2017, no 15-27.928).

Selon le premier alinéa de l’article L.8252-2 du code du travail, le salarié étranger a droit, au titre de la période d’emploi illicite, au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci.

En outre, il a droit à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l’application de dispositions conventionnelles, contractuelles ou légales ne conduise à une solution plus favorable.

Ainsi, la cause de la rupture du contrat est objective et la Cour de cassation rappelle que l’illicéité de la situation du salarié n’est pas constitutive en soi d’une faute grave (Cass. soc. 23 nov. 2022, nº 21-12.125.

Afin d’éviter des situations iniques, la loi prévoit que pendant une période de trois mois à compter de l’expiration de son titre de séjour, le salarié étranger conserve son droit au séjour, ainsi que les droits qui y sont attachés et notamment son droit d’exercer une activité professionnelle.

Toutefois, le salarié doit demander le renouvellement de sa carte de résident dans les 2 derniers mois précédant l’expiration du titre. 

Une décision de la Cour de cassation du 29 novembre 2023 illustre l’importance de respecter les délais de renouvellement des titres de séjour. La haute juridiction indique en effet qu’un étranger, titulaire d’une carte de résident, doit, pour bénéficier du délai de trois mois lui permettant, après expiration de son titre, de conserver son droit d’exercer une activité professionnelle, en solliciter le renouvellement dans les deux mois précédant cette expiration.

En l’espèce, le titre de séjour d’un salarié étranger expirait au 2 janvier 2017. Par lettre recommandée du 21 décembre 2016, l’employeur a demandé au salarié de lui faire parvenir son nouveau titre de séjour au plus tard sept jours avant l’expiration de celui en cours de validité, soit le 26 décembre 2016, lui précisant qu’à défaut, il ne pourrait pas continuer à exécuter sa prestation de travail à compter du 2 janvier 2017, date d’expiration de son titre de séjour. Le 28 décembre 2016, il lui a adressé une mise en demeure lui rappelant la nécessité de produire un nouveau titre de séjour.

En l’absence d’une telle production, l’employeur a notifié le 23 janvier2017 au salarié la rupture de son contrat de travail pour absence de titre de séjour lui permettant de travailler sur le territoire français.

Le salarié saisit le conseil de Prud’hommes d’une demande de dommages et intérêt pour rupture abusive de son contrat de travail.

Il fait valoir que son titre était encore valable trois mois après sa date d’expiration et lui permettait de continuer l’exercice de son activité professionnelle jusqu’au 2 avril 2017, sans avoir à justifier auprès de son employeur d’une démarche réalisée pour en obtenir le renouvellement. 

La Cour d’appel, en accord avec les arguments du salarié, juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne l’employeur au paiement de différentes sommes.

L’arrêt est censuré par la Cour de cassation : pour que les droits du salarié étranger soient prolongés, il faut que ce dernier ait demandé le renouvellement de son titre dans les deux mois de son expiration, ce dont il doit pouvoir justifier auprès de son employeur. 

Bien que la décision soit rendue au visa de l’article L. 311-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, elle reste transposable à la procédure de renouvellement actuellement applicable.

Soulignons en outre, que si la demande est déposée après la date d’expiration du titre de séjour, l’administration est fondée à considérer qu’il s’agit d’une première demande. L’étranger est alors en situation irrégulière et ne peut plus prétendre au renouvellement de plein droit de son titre de séjour.

Cass. soc. 29 novembre 2023 n°22-10.004