Discrimination… capillaire !

Adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale, cette loi vise à ajouter la discrimination fondée sur la coupe, la texture, la couleur, la longueur des cheveux aux déjà très nombreux motifs de discrimination prohibés…

Le texte finalement adopté par l’Assemblée Nationale le 28 mars dernier, ajoute les mots « notamment capillaire » à l’interdiction de discrimination liée à l’apparence physique.

D’un point de vue strictement juridique, cette loi est inutile. 

A commencer par l’interdiction de toute discrimination fondée sur l’apparence, dont relèvent les cheveux, mais également par l’article L.1121-1 du code du travail, qui protège les libertés individuelles, auxquelles nul ne peut apporter de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Pour justifier l’existence de ce type particulier de discrimination, l’exposé des motifs cite l’arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2022 (n°.21-14.060).

Dans cette affaire, le manuel du port de l’uniforme à destination du personnel naviguant autorisait le port des tresses africaines retenues en chignon pour les femmes, mais les hommes quant à eux devait être « coiffés de façon extrêmement nette », la longueur des cheveux étant limitée au niveau du bord supérieur de la chemise. Un steward est sanctionné pour avoir refusé de se plier aux exigences du manuel.

La Cour de cassation reconnait une discrimination liée à l’apparence physique en lien avec le sexe : « l’interdiction faite à l’intéressé de porter une coiffure, pourtant autorisée par le même référentiel pour le personnel féminin, caractérisait une discrimination directement fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe ».

Si, avant tout, la Cour de cassation considère qu’il y a une inégalité de traitement entre les hommes et les femmes, il est fort probable que si le manuel avait interdit à tous le port de tresses africaines, même relevées en chignon, la Haute juridiction aurait jugé que l’atteinte à la liberté de se coiffer était excessive au regard de l’objectif recherché.

En conclusion, la précision du législateur est surabondante dans une liste qui présente déjà des discriminations interdites sujettes à interrogations : origine, sexe, mœurs, orientation sexuelle, identité de genre, âge, situation de famille ou grossesse, caractéristiques génétiques, particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente ou connue de son auteur, appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, opinions politiques, activités syndicales ou mutualistes, exercice d’un mandat électif, convictions religieuses, apparence physique, nom de famille, lieu de résidence ou domiciliation bancaire, état de santé, perte d’autonomie ou handicap, capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte.

Il revient désormais aux sénateurs de se prononcer sur ce texte.