Attention à l’annonce d’un licenciement par téléphone le jour de l’envoi de la notification de la rupture !

La rupture du contrat de travail se situe à la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire le jour de l’envoi de la lettre recommandée avec avis de réception, ou au moment de la remise en main propre de la lettre.

Quid lorsque l’employeur avertit par téléphone son salarié de son licenciement le jour où il envoie la lettre ?

La Cour de cassation répond dans un arrêt du 3 avril 2024.

En l’espèce, un employeur notifie son licenciement pour faute grave au salarié par lettre recommandée postée le 7 février 2019. Le jour même, il prévient son salarié estimant qu’il était convenable pour la société de lui éviter de se présenter à une réunion et « de se voir congédier devant ses collègues de travail ». 

Le salarié conteste son licenciement devant la juridiction prud’homale. Il fait valoir qu’il a été licencié verbalement et que son licenciement est donc ipso facto dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La cour d’appel relève que le salarié rapportait la preuve qu’il avait été informé verbalement de son licenciement, à l’occasion d’une conversation téléphonique avec la directrice des ressources humaines de l’entreprise, et constate que cet appel téléphonique ne pouvait suppléer la lettre de licenciement adressée ultérieurement, même si elle avait été adressée le même jour, sous la signature de l’auteur de l’appel téléphonique.

Devant la Cour de cassation, l’employeur fait valoir que les juges du fond auraient dû rechercher la chronologie des faits et que rien ne permettait d’établir que la lettre avait été envoyée ultérieurement à l’appel téléphonique.

L’argument n’est pas repris par la Cour de cassation qui considère que la cour d’appel a motivé sa décision au vu des éléments de fait et de preuve qui lui était soumis, et a pu en déduire que « ce licenciement verbal était dépourvu de cause réelle et sérieuse. »

Pourtant, dans un arrêt du 28 septembre 2022 (n°21-15.606), la Cour de cassation avait considéré que la cour d’appel, en cas de concomitance d’un appel téléphonique avec l’envoi de la lettre de licenciement, devait rechercher la chronologie des faits : 

« Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’arrêt constate que ce licenciement a été notifié au salarié par un courrier qui lui est parvenu le 16 novembre 2016 et que le 15 novembre 2016 vers 17 heures 50, le salarié a reçu un appel de son employeur qui lui a notifié son licenciement et lui a indiqué qu’il ne devait pas se présenter le lendemain. Il en déduit que le salarié démontre avoir été licencié verbalement par téléphone concomitamment à l’envoi du courrier de licenciement par l’employeur.

En se déterminant ainsi, sans rechercher si la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture du contrat de travail n’avait pas été expédiée au salarié avant la conversation téléphonique, de sorte que l’employeur avait déjà irrévocablement manifesté sa volonté d’y mettre fin, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. »

L’arrêt du 3 avril 2024 n’est pas clair sur la façon dont la cour d’appel a pu déterminer le caractère ultérieur de l’expédition de la lettre de licenciement, et la décision de la Cour de cassation parait alors expéditive eu égard à sa jurisprudence du 28 septembre 2022.

Cass. soc., 3 avril 2024, n°23-10.931