Procédure disciplinaire conventionnelle, une certaine souplesse d’appréciation

Selon la jurisprudence, la consultation d’un organisme chargé, en vertu d’une disposition conventionnelle ou d’un règlement intérieur, de donner son avis sur une sanction envisagée par un employeur, constitue une garantie de fond, en sorte que la sanction ne peut pas être prononcée sans que cet organisme ait été consulté. 

Il en est de même en principe lorsque la consultation a été tardive, toutefois dans ces cas-là, la jurisprudence tempère sa position et ne considère que la sanction doit être annulée que si elle a privé le salarié des droits de sa défense ou a pu avoir une influence sur la décision finale de l’employeur.

Un exemple nous est donné dans une décision récente de la Cour de cassation.

Dans cette affaire, des pilotes de ligne d’Air France ont été sanctionnés par une mise à pied disciplinaire de 15 jours.

Ils saisissent le conseil de prud’hommes d’une demande d’annulation de la sanction, faisant valoir l’irrégularité de la procédure disciplinaire suivie par l’employeur.

En effet, le règlement intérieur de la société prévoit, pour le personnel navigant technique, que la convocation à l’entretien préalable en vue d’une éventuelle sanction doit notamment indiquer l’objet de la réunion (en spécifiant si la sanction envisagée est une sanction du premier ou du second degré et, dans ce dernier cas, s’il s’agit d’une mesure de licenciement sans préavis), la date, l’heure et le lieu de l’entretien et mentionne également que, sauf objection écrite de l’intéressé, les délégués du personnel sont informés et leur avis sollicité préalablement à l’entretien.

En l’espèce, il s’agissait donc de recueillir l’avis de 43 délégués. Or, leur avis a été sollicité 6 jours avant la tenue de l’entretien préalable (et 13 jours après la convocation des salariés pour cet entretien préalable). Les délégués eux-mêmes demandent un report de l’entretien préalable afin d’avoir le temps de donner un avis, considérant que les délais accordés n’étaient pas compatibles avec leurs emplois du temps respectifs.

Les juges du fond retiennent que la demande d’avis des délégués a été tardive, le délai imparti « ne permettait pas aux quarante-trois délégués du personnel de prendre connaissance des faits, consulter les personnes et documents utiles, construire un avis commun et le rédiger ».

Ils soulignent que cette consultation, permettant aux délégués du personnel de se prononcer à un moment capital de la procédure, ab initio, sur l’existence de la faute, sa nature, son degré de gravité et sur la sanction qu’elle mérite, constitue bien une garantie de fond. Ils concluent en conséquence que la consultation intervenue dans un délai insuffisant équivaut à une absence de consultation.

Les sanctions sont donc annulées. 

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel : les juges du fond ne pouvaient conclure ainsi sans vérifier au préalable les conséquences effectives de cette consultation tardive. Les juges du fond devaient rechercher si l’irrégularité constatée dans le déroulement de la procédure disciplinaire par la consultation tardive des délégués du personnel, avait privé le salarié de la possibilité d’assurer utilement sa défense ou était susceptible d’avoir exercé en l’espèce une influence sur la décision finale de sanctionner par l’employeur.

Cass. soc., 20 mars 2024, n°22-17.292