Temps de trajet du salarié itinérant et travail effectif

Aux termes de l’article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif et n’ouvre droit à une contrepartie sous forme de repos ou de compensation financière que dans l’hypothèse où il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail.

Les conditions de déplacement du salarié itinérant entre son domicile et le premier ou dernier client peuvent, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, exclure l’applicabilité de l’article L.3121-4 du code du travail, lorsque pendant son temps de déplacement, le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. Son temps de déplacement doit alors être qualifié de temps de travail effectif (Cass. soc. 30 mars 2022 n°20-15.022, Cass. soc., 1er mars 2023, n°21-12.068, F-B cf. notre article).

Ainsi, il appartient au juge du fond d’évaluer les conditions de ces déplacements domicile/premier et dernier client afin de déterminer si ces temps de trajet relèvent ou non de la qualification de temps de travail. 

Un exemple nous est donné dans un arrêt du 25 octobre 2023.

En l’espèce, le salarié soutenait en premier lieu que son domicile devait être considéré comme son bureau dans la mesure où il devait contractuellement y effectuer un travail administratif qu’il estimait à 10 heures par semaine. Il en déduisait que tous ses trajets étaient du temps de travail effectif. Toutefois, les juges d’appel relèvent que ses pièces n’établissent en réalité qu’un travail administratif hebdomadaire de 2,5 heures en moyenne, volume qui ne conférait pas au-dit domicile la qualité de lieu de travail, « quand bien même son usage ponctuel justifiait que l’employeur lui allouât une indemnité mensuelle ».

En second lieu, le salarié soutenait qu’il ne pouvait vaquer à ses occupations personnelles durant les temps de trajet litigieux dans la mesure où :

  • son véhicule de service était doté d’un système de géolocalisation,
  • il recevait des plannings mensuels,
  • il devait impérativement soumettre à l’accord de son supérieur la réalisation d’heures supplémentaires, tout décalage, anticipation ou annulation d’une visite,
  • il recevait également un planning hebdomadaire indiquant les visites à effectuer et leurs dates,
  • des soirées étapes étaient imposées au-delà d’une certaine distance. 

La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir considéré que ces sujétions ne suffisaient pas à établir que le salarié se tenait à la disposition de l’employeur durant ses premiers et derniers trajets de la journée et donc à qualifier ces temps de temps de travail effectif.

Elle relève en effet que le salarié avait l’initiative de son circuit quotidien, « les contrôles de l’employeur n’étant que rétrospectifs et se justifiant pleinement dès lors que ce dernier avait mis en place un dispositif d’indemnisation des trajets anormaux ouvrant droit à indemnisation au-delà de quarante-cinq minutes » ; il pouvait choisir ses étapes imposées, cette prescription n’ayant nullement pour objet ni pour conséquence de le maintenir à disposition de l’employeur mais d’éviter de trop longs trajets ; enfin, elle constate qu’un interrupteur « vie privée » sur le véhicule de service lui permettait de désactiver la géolocalisation.

Ainsi, si la tournée quotidienne du salarié itinérant était planifiée, il restait libre de l’organiser et donc de choisir le premier et le dernier client, une étape, qu’il déterminait, n’était imposée que dans un objectif de sécurité. Le salarié conservait suffisamment de liberté pour que ces trajets ne soient pas considérés comme du travail effectif.

Cass. soc., 25 octobre 2023, n°20-22.800, FS-B