Un enregistrement clandestin est illicite…généralement 

Dans un arrêt en date du 12 avril 2023, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que l’enregistrement d’un entretien préalable par le salarié à l’insu de son employeur n’était pas de nature à porter atteinte à l’intimité de la vie privée de ce dernier.

En effet, en vertu de l’article 226-1 du code pénal, l’enregistrement, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel porte atteinte à l’intimité de sa vie privée. C’est un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 45000 € d’amende.

En l’espèce, un délégué syndical assiste un salarié lors de son entretien préalable et enregistre clandestinement la conversation.

L’employeur porte plainte sur le fondement de l’article 226-1 du code pénal.

La Chambre criminelle estime qu’il n’y a pas atteinte à la vie privée, l’entretien s’étant tenu dans un cadre relevant de la seule activité professionnelle du salarié, peu important que les propos enregistrés aient été tenus dans un lieu privé (Cass. crim. 12 avril 2023 n°22-83 ;581).

Ces enregistrements d’entretien à l’insu de l’employeur sont de plus en plus courant, et l’arme de la plainte pénale n’est donc pas efficace.

Qu’en est-il de la possibilité d’utiliser l’enregistrement devant le juge prud’homal ?

L’enregistrement clandestin est déloyal, ce qui en fait un moyen de preuve illicite. « L’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue » (Cass. soc. 6 février 2013 n°11-23.738, en l’espèce, la Cour a jugé qu’il n’en était pas de même pour « l’utilisation par le destinataire des messages téléphoniques vocaux dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur »).

Toutefois, l’assouplissement de la jurisprudence en matière de preuve pourrait modifier un tant soit peu la donne.

En effet, dans un arrêt du 10 novembre 2021 (n°20-12.263), la Cour de cassation a jugé au sujet d’un dispositif de vidéosurveillance que « l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. »

Ainsi l’illicéité de l’enregistrement clandestin peut, dans certaines circonstances, rester un moyen de preuve admis. Cet enregistrement doit être le seul moyen dont dispose le salarié pour prouver ses dires, et la preuve illicite doit passer le contrôle de proportionnalité. 

Dans la mesure où, la plupart du temps, l’entretien préalable se passe dans un contexte strictement professionnel, dans les locaux professionnels, il y a lieu de se demander si l’atteinte à la vie personnelle de l’employeur pourra être considérée comme disproportionnée. La chambre criminelle considère bien que l’enregistrement clandestin d’un entretien préalable ne porte pas atteinte à la vie privée…

Il semble que l’admission du caractère indispensable de la production de la preuve illicite suffira dans les faits pour que la preuve illicite soit recevable.