Les agissements sexistes constituent en tout état de cause un motif de licenciement

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Dans un arrêt du 12 juin 2024, la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur les sanctions que peut prendre l’employeur confronté aux agissements sexistes d’un salarié.

Le fond de l'affaire

Dans cette affaire, un salarié est licencié par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) pour faute simple, pour avoir tenu, de manière réitérée, des propos injurieux, dégradants et humiliants à connotation sexuelle à l’encontre de plusieurs collègues féminines.

Le salarié conteste son licenciement et obtient gain de cause auprès de la cour d’appel.

Cette dernière, tout en retenant la matérialité de la faute, juge la sanction disproportionnée dans la mesure où d’une part, le salarié avait déjà par le passé tenu des propos similaires qui n’avaient pas été sanctionnés, et d’autre part, l’employeur n’avait d’abord envisagé qu’une mise à pied disciplinaire avant d’opter pour un licenciement après avis du conseil de discipline de la société.

L’employeur forme alors un pourvoi en cassation.

Devant la Haute juridiction, il fait valoir que les propos, à connotation sexuelle, dégradants, humiliants et offensants du salarié, tenus de façon réitérée envers ses collègues féminines ne pouvaient être tolérés en vertu de son obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Bref focus sur la distinction "agissements sexistes" et "harcèlement sexuel"

Notons que le caractère réitéré des propos à connotation sexuelle, injurieux, dégradants et humiliants aurait pu recevoir la qualification de harcèlement sexuel, faute grave pour la jurisprudence. Toutefois, les juges ne se sont pas placés sur ce terrain mais sur celui des agissements sexistes, qui sont visés par l’article L.1142-2-1du code du travail.

Selon ce texte, issus de la loi Rebsamen du 17 Août 2015 « nul ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

La notion est proche de celle de harcèlement sexuel, « constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante » (article L.1153-1 du code du travail)

Les « agissements sexistes » ne sont toutefois que des propos et non des comportements, ils n’ont pas besoin d’être répétés et surtout les textes ne prévoient pas de sanction à l’encontre de l’auteur.

En matière de harcèlement sexuel, le fait que l’employeur ait pu tolérer de tels comportements ne permet pas de déqualifier la faute. Tel est également le cas en matière d’agissements sexistes.

La Cour de cassation opte en effet pour la même logique et décide que « le salarié avait tenu envers deux de ses collègues, de manière répétée, des propos à connotation sexuelle, insultants et dégradants, ce qui était de nature à caractériser, quelle qu'ait pu être l'attitude antérieure de l'employeur tenu à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, un comportement fautif constitutif d'une cause réelle et sérieuse fondant le licenciement ».

En d'autres termes, une tolérance passée de l'employeur sur des agissements sexistes d'un ou plusieurs salariés, ne justifie pas la réitération ultérieure de tels agissements.

Cass. soc., 12 juin 2024, n°23-14.292

Charles Mathieu