Enquête interne harcèlement : règles rappelées par le Défenseur des droits

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Rappel des règles à respecter en cas d'enquête interne - harcèlement sexuel

Le Défenseur des droits rappelle les règles en matière d'enquête interne

L'occasion de souligner qu'il est compétent pour traiter les réclamations des victimes de harcèlement sexuel au titre de sa mission de lutte contre les discriminations. Il peut demander une autorisation à instruire au procureur de la République pour des faits donnant lieu à des poursuites pénales. C'est dans ce cadre que le Défenseur des droits est intervenu dans plusieurs affaires, notamment une affaire qui a donné lieu à une décision du 11 juillet 2024.

Des manquements relevés lors d'une enquête interne

Le Défenseur des droits estime qu'une entreprise n'a pas respecté les règles applicables à l'enquête interne.

Première critique : l'entreprise a procédé à une inversion de la charge de la preuve

Aux termes de l'article L.1154-1 du code du travail, le salarié doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement. "L'application de l'aménagement de la charge de la preuve doit conduire à rechercher des éléments de présomption d'un harcèlement et non des preuves irréfutables lesquelles peuvent être impossibles à rapporter par la victime", souligne le Défenseur des droits.

Or, l'entreprise retient que la salariée "n'apportait aucune preuve tangible (ex. SMS, emails...) à l'appui de son signalement contrairement à celles produites par [le salarié objet de l'accusation] pour remettre en cause la version des faits de la plaignante". L'entreprise "persiste à demander une preuve tangible à une salariée s'estimant victime de harcèlement sexuel en violation du principe d'aménagement de la charge de la preuve et en dépit des éléments recueillis lors de l'enquête interne", constate le Défenseur des droits.

Deuxième critique : l'enquête n'a pas été menée par les enquêteurs de manière neutre et impartiale

Des "extraits du rapport montrent que l'approche adoptée par les enquêteurs a été d'ôter toute valeur probante aux témoignages, d'en ignorer purement et simplement certains passages, et de se focaliser sur une recherche de preuve au lieu des éléments de présomption, c'est-à-dire d'indices qui, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement sexuel. Ces indices doivent être appréciés de façon globale et non séparément". De potentiels témoins n'ont pas été entendus.

Troisième critique : l'incohérence des conclusions et la durée excessive de l'enquête

Il a été constaté que "les conclusions de l'enquête ne sont pas cohérentes avec le contenu des auditions menées". En effet, il avait été conclu que les deux salariés concernés ne devaient plus "être en proximité" et que l'entreprise devait "rappeler les bonnes pratiques relationnelles" ce qui est en contradiction avec l'absence de harcèlement sexuel constaté.

De plus, l'enquête a été déclenchée en mai 2021 avec des auditions menées en juin 2021 mais les conclusions n'ont été rendues qu'en février 2022. "Cette durée pourrait être considérée comme excessive en application de la jurisprudence...".

Enfin, les conclusions de l'enquête auraient été données oralement lors d'une réunion.


Au vu de tout cela, le Défenseur des droits estime que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité. Il appelle à "une amélioration des pratiques [de la société] compte tenu du nombre de ses salariés et de la gravité des faits". En outre, en ne sanctionnant pas les salariés concernés l'entreprise a manqué à son obligation de sanction issue de l'article L.1153-6 du code du travail.

Décision à lire ici.