Rappel à l’ordre ou avertissement ?

Contact
Arrow Icon

Définition de la sanction disciplinaire

Selon l’article L.1331-1 du Code du travail, « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. »

Ainsi, pour qu’il y ait sanction, il faut que, d’une part, l’employeur considère l’agissement comme fautif, et d’autre part, que la « mesure » soit de nature à affecter la fonction, la carrière ou la présence du salarié, immédiatement ou non.

L’avertissement comme sanction

L’avertissement prend généralement la forme d’un courriel ou d’une lettre reprochant des erreurs ou comportements imputables au salarié et le mettant en demeure de redresser la situation. L’avertissement étant une sanction, les faits ou comportements ayant motivé l’avertissement ne peuvent plus faire l’objet d’une sanction, selon la règle non bis in idem. L’employeur a ainsi épuisé son pouvoir disciplinaire.

Différence avec le rappel à l’ordre

Contrairement à l’avertissement, le rappel à l’ordre n’est pas une sanction disciplinaire. Si l’employeur reproche à un salarié un comportement qu’il doit modifier sans vouloir le sanctionner immédiatement, la lettre de griefs sera alors considérée comme un simple rappel à l’ordre. Les mêmes faits pourront éventuellement être repris parmi les griefs justifiant un licenciement ultérieur.

La différence est ténue, puisque, à défaut d’avoir été clair sur ses intentions, il appartiendra aux juges d’interpréter la volonté de l’employeur et d’y voir ou non un avertissement. La qualification de la lettre dépendra des termes employés et du contexte dans lequel la lettre est envoyée.

Exemples jurisprudentiels

  1. Cass. soc., 10 février 2021, n°19-18.903 :Une lettre rappelant la présence non autorisée et fautive à plusieurs reprises du salarié dans le local électrique, l’invitant de manière impérative à respecter les règles régissant l’accès à un tel local, stigmatise le comportement du salarié considéré comme fautif et constitue une sanction disciplinaire. L’employeur pensait quant à lui que ce courrier n’était qu’une lettre de rappel de la réglementation en vigueur.
  2. Cass. soc., 9 novembre 1989, n°87-41.054 :Une lettre par laquelle l’employeur reproche au salarié son attitude de dénigrement systématique de l’entreprise constitue une mise en garde valant avertissement. Ce reproche ne peut plus être repris par l’employeur en vue d’un licenciement, faute de preuve que les faits invoqués se soient renouvelés après cette date.
  3. Cass. soc., 20 mars 2024, n°22-14.465 :La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir considéré qu’un courriel par lequel l’employeur demande au salarié de faire preuve de respect à son égard, de cesser d’être agressif, de faire preuve de jugements moraux, de colporter des rumeurs et autres dénigrements, constitue tout au plus un rappel à l’ordre. Dans cette affaire, la lettre était envoyée alors que le salarié avait été convoqué trois jours avant à un entretien préalable à licenciement et mis à pied à titre conservatoire. Les termes de la lettre n’étaient pas spécialement comminatoires mais relevaient plus de l’incompréhension de l’employeur concernant l’attitude du salarié.

Conclusion

La rédaction d’une lettre de recadrage ou de rappel à l’ordre doit être soigneusement considérée par l’employeur s’il n’entend pas épuiser son pouvoir disciplinaire sur les comportements reprochés. La qualification de la lettre dépendra des termes employés et du contexte de son envoi, et les juges auront le dernier mot en cas de litige.