En principe, lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail, il lui appartient d’établir les manquements de son employeur ainsi que leur gravité.
Toutefois, dans certains cas, l’employeur reste seul à supporter cette charge. Ainsi en est-il en matière de prévention et sécurité.
En effet, l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Ces mesures sont prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail. Elles comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation ainsi qu’une organisation et des moyens adaptés.
Obligation dite de « résultat » à l’origine, c’est-à-dire que la réalisation du risque ou l’exposition au risque engageait la responsabilité de l’employeur quelles que soient les mesures de prévention prises, cette obligation est devenue une obligation de « moyen renforcé » permettant ainsi à l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité s’il démontre avoir tout mis en œuvre pour éviter les risques et protéger ses salariés (Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-24.444).
Ainsi, lorsqu’un accident survient, la charge de la preuve de l’absence de manquement à son obligation pèse entièrement sur l’employeur.
La Cour de cassation décide dans un arrêt du 28 février 2024, que lorsqu’un salarié invoque un manquement de son employeur à son obligation de sécurité à l’appui d’une demande de résiliation judiciaire, il revient alors à l’employeur de prouver qu’il a pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Dans cette affaire, un salarié, technicien confirmé mécanique véhicules industriels est victime d’un accident sur son lieu de travail et saisit le conseil de Prud’homme d’une demande de résiliation de son contrat de travail. Il invoque un manquement de son employeur aux règles de prévention et de sécurité à l’origine de son accident du travail, faisant valoir que ce dernier n’avait pas fourni les équipements de protection individuelle nécessaires à son travail.
Il est débouté par la Cour d’appel qui juge que la charge de la preuve du manquement reproché à l’employeur incombe au salarié qui demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et que cette preuve n’est pas établie, les circonstances de l’accident du travail étant inconnues.
La décision est cassée par la Haute juridiction qui décide que la cour d’appel a inversé la charge de la preuve : il revenait à l’employeur de démontrer qu’il avait pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié.
La règle spécifique de droit probatoire en matière de sécurité prévaut sur la règle générale de preuve relative à l’action en résiliation du contrat de travail.
Cass. soc., 28 février 2024, n°22-15.624