Si le principe de la séparation des pouvoirs interdit au juge judiciaire de se prononcer sur la validité du licenciement autorisé par l’administration, ce dernier garde un pouvoir de contrôle sur des sanctions préalables au licenciement, dès lors qu’elles n’ont pas fait l’objet d’un contrôle administratif.
Une illustration de cette délicate frontière entre les deux ordres de juridiction nous est donnée par la Cour de cassation dans un arrêt du 1er juin 2023.
Dans cette affaire, un salarié, titulaire de mandats représentatifs, fait l’objet de procédures disciplinaires (une mise en garde puis une mise à pied disciplinaire). Il saisit le conseil de prud’hommes de demandes relatives à un harcèlement moral et à un traitement discriminatoire.
Peu de temps après, il est licencié pour faute grave après autorisation administrative.
Le tribunal administratif rejette le recours du salarié contre l’autorisation administrative.
Le CPH condamne néanmoins l’employeur à verser des dommages et intérêts au salarié pour harcèlement moral.
La Cour d’appel confirme le jugement et annule les deux sanctions disciplinaires, ordonnant le paiement de la période de mise à pied disciplinaire.
Devant la Cour de cassation, l’employeur soutient que la cour d’appel a violé le principe de séparation des pouvoirs. Selon lui, l’administration a autorisé le licenciement pour faute grave du salarié en se fondant également sur les deux sanctions préalables aux faits reprochés dans la lettre de licenciement, puisque ces deux sanctions sont évoquées par le ministre du travail au soutien de sa décision d’autorisation de licenciement. Ayant fait l’objet d’un contrôle administratif, elles ne peuvent plus être examinées par le juge judiciaire.
La Cour de cassation reprend le périmètre du contrôle administratif : l’administration doit vérifier, d’une part que les faits sont établis et sont fautifs, d’autre part l’absence de lien entre la demande de licenciement et les mandats exercés par l’intéressé.
Il ne lui appartient pas, en revanche, dans l’exercice de ce contrôle, de porter une appréciation sur la validité des précédentes sanctions disciplinaires invoquées par l’employeur.
Si l’administration avait bien évoqué les sanctions disciplinaires antérieures pour apprécier la gravité des faits reprochés dans la lettre de licenciement, elle ne s’était pas prononcée sur la réalité des faits qu’elles sanctionnaient.
Les territoires sont donc finement découpés et, si le juge administratif garde fermement le contrôle du licenciement, les faits relatifs à l’exécution du contrat peuvent réintégrer la sphère du contrôle du juge civil.
Cass. soc. 1er juin 2023, n°21-19.649