Le temps de travail des salariés à temps partiel est fermement bordé par la loi et la jurisprudence.
En effet, si les salariés à temps partiel peuvent effectuer des heures complémentaires, celles-ci ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail au niveau de la durée légale, ou si elle est inférieure, au niveau de la durée conventionnelle du travail (article L.3123-9 du code du travail).
La jurisprudence sanctionne cette limite par la requalification automatique du contrat en contrat à temps complet, à compter de la date où elle a été dépassée.
Ainsi, même si le salarié n’a travaillé 35h qu’une seule semaine, le contrat de travail devient un contrat à temps plein à compter de cette date, bien que le contrat à temps partiel soit conclu sur une période de référence mensuelle, et que l’horaire mensuel convenu aurait été respecté. En effet, la durée légale de référence est la durée hebdomadaire de 35h par semaine civile (Cass. soc. 15 septembre 2021 n°19-19.563).
La règle s’applique également dans le cas de la conclusion d’un avenant augmentant la durée du temps partiel. L’avenant, même temporaire, ne peut porter cette durée à la durée hebdomadaire légale sans emporter la requalification du contrat de travail (cass. soc. 21 septembre 2022 n°20-10.101).
Le temps partiel modulé, créé par la loi n°2000-37 du 19 janvier 2000, prévoyait dans son article L.3123-25,5° quel’accord collectif organisant le temps partiel modulé prévoit les limites à l’intérieur desquelles la durée du travail peut varier, l’écart entre chacune de ces limites et la durée stipulée au contrat de travail ne pouvant excéder le tiers de cette durée ; (que) la durée du travail du salarié ne peut être portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire.
La jurisprudence sanctionnait donc par la requalification en temps complet, le franchissement de cette limite hebdomadaire quand bien même l’accord de modulation respectait les limites de variation conventionnelle et la moyenne hebdomadaire ou mensuelle fixée au contrat de travail : il n’y a lieu à requalification automatique du contrat de travail à temps partiel modulé en un contrat à temps complet que lorsque la durée du travail du salarié est portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ou à la durée fixée conventionnellement, et ce dès la première irrégularité (Cass. soc., 23 janvier 2019, pourvoi n° 17-19.393,
Depuis, les différents régimes de modulation du temps de travail ont été fusionnés par la loi n°2008-789 du 20 août 2008 en un seul régime, encore assoupli par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, englobant temps complet et temps partiel. Ainsi, les salariés à temps partiel se sont vu ouvrir l’accès à la modulation du temps de travail dans les mêmes conditions que les salariés à temps complet.
Il convient de souligner que la limite hebdomadaire posée par le 5° de l’ancien article L.3123-25 du code du travail relatif au temps partiel modulé n’a pas été reprise par les nouvelles dispositions.
Dans un arrêt du 7 février 2024, la Cour de cassation se prononce pour la première fois à notre connaissance sous l’empire de ces nouvelles dispositions.
La question était de savoir comment apprécier l’interdiction de porter la durée du travail du salarié à temps partiel au niveau de la durée légale posée par l’article L.3123-9 du code du travail en cas de modulation du temps de travail : cette durée légale se rapporte-t-elle aux 35 heures hebdomadaires ou à la période de référence prévue par l’accord de modulation ?
Autrement dit, lorsqu’un salarié employé à temps partiel sous un régime conventionnel actuel d’une modulation du temps de travail franchit la barre fatidique des 35 heures hebdomadaires, son contrat doit-il être requalifié en contrat à temps complet ?
En l’espèce, un accord de modulation du temps de travail avait retenu une période de référence annuelle de 1600 heures, inférieure à la durée légale annuelle (qui est de 1607 heures).
Une salariée, employée à temps partiel, demande la requalification de son contrat en temps plein sur le fondement de l’article L.3123-9 du code du travail, arguant que dans l’année, elle a effectué une semaine de 36 h 15. Son contrat à temps partiel devait, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein.
Elle est déboutée par les juges du fond. La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, relève d’une part que le dépassement horaire hebdomadaire était ponctuel, et d’autre part, qu’il n’était pas démontré que la durée annuelle de travail de 1 600 heures avait été dépassée.
Ainsi, en cas de modulation du temps de travail, la limitation du recours aux heures complémentaires au regard de la durée légale posée par l’article L.3123-9 du code du travail doit être appréciée en fonction de la période de référence prévue par l’accord de modulation.
Cass. soc., 7 février 2024, n° 22-17.696