Congés payés, la mise en conformité du droit français est en cours

Un projet d’amendement sur l’acquisition des congés payés, a été déposé le 15 mars 2024 sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit européen pour la mise en conformité du droit français.

Le gouvernement en expose les motifs : 

Selon l’article L. 3141-5 du code du travail, les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle, prises dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, sont prises en compte pour l’acquisition de droit à congés payés.

En revanche, les périodes pendant lesquelles le contrat est suspendu pour cause d’accident ou maladie sans caractère professionnel ne donnent pas lieu à acquisition de droits à congés.

Ces dispositions ne sont pas conformes au droit de l’Union européenne, tel qu’interprété par les jurisprudences de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), qui exige que les salariés bénéficient de quatre semaines de congés payés au titre d’une année de travail, même s’ils ont connu, au cours de cette année, des périodes d’arrêt maladie. Plusieurs décisions récentes de la Cour de cassation mettent en exergue cette non-conformité du droit français avec le droit européen.

L’amendement assure donc la mise en conformité du droit du travail français avec le droit de l’Union européenne, en prévoyant que les salariés dont le contrat est suspendu par un arrêt de travail continuent d’acquérir des droits à congés quelle que soit l’origine de cet arrêt (professionnelle ou non professionnelle). Les salariés en arrêt de travail pour un accident ou une maladie d’origine non professionnelle pourront ainsi acquérir des congés payés, au rythme de deux jours ouvrables par mois, soit quatre semaines par an de congés payés garanties par l’article 7 de la directive 2003/88/CE. Les modalités de calcul de l’indemnité de congés payés sont également ajustées en conséquence.

Le présent article instaure également un droit pour les salariés au report des congés qu’ils n’ont pu prendre en raison d’une maladie ou d’un accident.

Fixé à 15 mois en cohérence avec la jurisprudence de la CJUE, ce délai de report court à compter de l’information que le salarié reçoit de son employeur, postérieurement à sa reprise d’activité, sur les congés dont il dispose. Par dérogation, le délai de report de 15 mois débute à la fin de la période d’acquisition pour les salariés en arrêt maladie depuis plus d’un an et dont le contrat de travail continue à être suspendu.

L’amendement met en place une obligation d’information du salarié par l’employeur, dans les dix jours qui suivent la reprise du travail après un arrêt maladie, sur le nombre de jours acquis et le délai dont le salarié dispose pour les poser.

L’amendement prévoit que ces règles d’acquisition et de report des droits à congés s’appliquent depuis le 1er décembre 2009. Il introduit un délai de forclusion de deux ans à compter de la publication de la loi, qui s’impose au salarié qui souhaiterait introduire une action en exécution du contrat de travail pour réclamer des congés qui auraient dû être acquis au cours de périodes d’arrêt maladie depuis le 1er décembre 2009.

S’agissant des contrats de travail rompus lors de l’entrée en vigueur de la loi, l’amendement ne modifie pas les règles de droit commun, qui impliquent la prescription triennale des actions en matière de paiement de salaires.

Quelques remarques sur ce projet d’amendement peuvent être faites :

Tout d’abord, l’acquisition de congés payés durant un arrêt maladie d’origine non professionnelle serait limitée à 4 semaines, contre 5 semaines lorsque l’arrêt a pour origine une maladie professionnelle. Cette différence de traitement selon l’origine de la maladie suit l’avis du Conseil d’État, qui n’a donc pas estimé qu’elle poserait un problème juridique (cf. notre article). 

Par ailleurs, cette mise en conformité aurait un effet rétroactif au 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et donc d’opposabilité de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, texte sur lequel s’appuie notamment la Cour de cassation lors de son revirement. Toutefois, le gouvernement introduit un délai de forclusion de deux ans, afin de « limiter les dégâts »… ainsi, les salariés encore dans l’entreprise au jour de la promulgation de la loi auront deux ans pour faire valoir leur droits à congés payés acquis pendant des arrêts maladie intervenus après le 1er décembre 2009. Les salariés ayant quitté l’entreprise à ce jour seront quant à eux soumis à la prescription triennale.

Enfin, l’employeur est soumis à une nouvelle obligation d’information : à l’issue de son arrêt maladie, l’employeur a 10 jours pour informer le salarié des jours de congés dont il dispose et du délai qu’il a pour les prendre.

Assemblée Nationale, amendement n°44