En matière de harcèlement, le salarié qui dénonce des faits de harcèlement est protégé de toutes mesures coercitives que peut prendre l’employeur en raison de cette dénonciation. Ainsi, la Cour de cassation a considéré qu’un grief énoncé dans la lettre de licenciement tiré de la dénonciation de harcèlement moral emportait à lui seul la nullité du licenciement. Rappelons, en effet, que la nullité du licenciement est un motif dit « contaminant », c’est-à-dire que si l’un des griefs reprochés au salarié dans la lettre de licenciement encourt la nullité, le licenciement est nul quels que soient les autres griefs contenus dans la lettre.
Toutefois, la protection ne joue pas si le salarié est de mauvaise foi. Cette dernière ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce.
Enfin, la protection est réservée au cas dans lequel le salarié a lui-même qualifié les faits qu’il dénonce de harcèlement moral (Cass. soc. 13 septembre 2017 n° 15-23.045).
C’est sur ce point qu’est intervenu un revirement en date du 19 avril 2023.
La Cour de cassation vient en effet de décider que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce.
En l’espèce, la salariée avait adressé aux membres du conseil d’administration de l’association au sein de laquelle elle était employée, une lettre dénonçant le comportement de son supérieur ayant entraîné selon elle une dégradation de son état de santé et de ses conditions de travail. Elle est licenciée pour avoir »gravement mis en cause l’attitude et les décisions prises par le directeur, M. [D], tant à [son] égard que s’agissant du fonctionnement de la structure » et »également porté des attaques graves à l’encontre de plusieurs de [ses] collègues, quant à leur comportement, leur travail, mais encore à l’encontre de la gouvernance de l’Association ».
Les mots « harcèlement moral » n’était pas expressément écrits dans le courrier de dénonciation rédigée par la salariée, mais la Haute Juridiction approuve la Cour d’appel d’avoir néanmoins fait jouer la protection et retenu la nullité de licenciement : l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que par cette lettre, la salariée dénonçait des faits de harcèlement moral.
Dans sa notice au rapport relative à l’arrêt, la Cour de cassation précise que ce revirement est en cohérence avec sa jurisprudence récente selon laquelle « l’absence éventuelle dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié a relaté des agissements de harcèlement moral n’est pas exclusive de la mauvaise foi de l’intéressé, laquelle peut être alléguée par l’employeur devant le juge » (Cass. soc. 16 septembre 2020 n°18-26.696).
Si l’employeur peut alléguer la mauvaise foi du salarié à posteriori devant le juge, sans l’avoir mentionné dans la lettre de licenciement, le salarié peut se prévaloir de la protection contre le licenciement quand bien même il n’aurait pas employé le terme de « harcèlement moral » pour qualifier les faits qu’il dénonçait.
La Cour de cassation précise que cette nouvelle jurisprudence n’est applicable que si l’employeur ne pouvait pas légitimement ignorer que le salarié dénonçait bien des faits de harcèlement.
« Il appartient donc aux juges du fond de vérifier le caractère évident d’une telle dénonciation dans l’écrit du salarié, quand bien même les mots « harcèlement moral » n’ont pas été utilisés par ce dernier. »
Cass. soc. 19 avril 2023 n°21-21.053