Nullité du licenciement fondé sur des propos à caractère sexuel tenus dans le cadre d’une conversation privée

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La Cour de cassation tente, depuis plusieurs années, de délimiter les délicats contours du droit au respect de la vie privée du salarié dans ses rapports avec son employeur. C’est ainsi que de nombreux arrêts sur le sujet ont récemment vu le jour, dans lesquels des précisions sont apportées sur la frontière entre (i) ce droit au respect de la vie privée, et (ii) les obligations contractuelles du salarié.

Le droit au respect de la vie privée : Un principe intangible à valeur constitutionnelle qui ne connait d’exception que celle du manquement contractuel

La jurisprudence considère que les faits qui relèvent de la vie personnelle du salarié ne peuvent, en principe, pas justifier un licenciement disciplinaire, ni d’ailleurs aucune sanction. Ainsi, seuls les faits fautifs commis par le salarié dans le cadre de son activité professionnelle peuvent être sanctionnés par l'employeur.

Se pose ainsi la question de la limite au droit au respect de la vie privée des salariés lorsque ceux-ci en abusent ou lorsque le comportement dépasse la simple vie privée.

Il existe ainsi une exception notable à ce principe : un fait relevant de la vie personnelle du salarié peut justifier une sanction disciplinaire s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

La protection de la vie privée des salariés ici encore rappelé par la Cour de cassation

En l’espèce, un salarié a été licencié pour faute grave pour divers motifs, et notamment pour avoir procédé à l’envoi, depuis sa messagerie professionnelle, de courriels contenant des images à caractère sexuel.

Confirmant la décision de la Cour d’appel, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’employeur et déclaré le licenciement nul en raison de l’illicéité du motif fondé sur la violation de la vie privée.

La Cour de cassation estime en effet que les courriels envoyés - depuis l’ordinateur professionnel - à des personnes extérieures à la société, relevaient d’une conversation privée, sans rapport avec l’activité professionnelle.

Elle considère en l’occurrence que cette conversation privée ne constituait pas un manquement du salarié à ses obligations découlant de son contrat de travail, seul susceptible de justifier une sanction disciplinaire, et a fortiori un licenciement.

Ainsi, cette décision de la Cour de cassation souligne l'importance du respect de l’intimité de la vie privée des salariés : en l'absence de manquement aux obligations contractuelles, l'employeur ne peut justifier un licenciement disciplinaire en utilisant le contenu des messages personnels du salarié – même envoyés depuis un outil mis à disposition pour le travail.

Cette position s’inscrit dans la lignée jurisprudentielle : des propos tenus dans une conversation privée (réseaux sociaux ou messagerie électronique) non destinée à être rendue publique et sans rapport avec l’activité professionnelle (ex : collègues, clients, informations confidentielles …) ne peuvent constituer un manquement du salarié à ses obligations professionnelles.  

Cass. soc., 25 septembre 2024 n°23-11.860

Morgane Dien / Charles Mathieu