Une preuve obtenue de manière illicite ou déloyale peut être jugée recevable en cas de litige … sous certaines conditions !

Contact
Arrow Icon

Un principe rappelé de manière désormais récurrente en matière de droit de la preuve

Nous l’avons d’ores et déjà rappelé à l’occasion de plusieurs arrêts récents de la Cour Suprême : Au nom du droit à un procès équitable, la jurisprudence est de plus en plus souvent amenée à considérer comme recevable une preuve illicite ou déloyale. Les exemples sont principalement intervenus en matière de surveillance des salariés et en cas d’atteinte à leur vie privée.

C’est ainsi que depuis une dizaine d’année (notamment sur impulsion de la Cour européenne des droits de l’homme), la Cour de cassation fait évoluer sa jurisprudence pour élargir le spectre de la recevabilité des preuves illicites, passant d’une interdiction formelle de prouver le bien-fondé d’un licenciement au moyen d’éléments obtenues de manière illicite ou déloyale (ex. : Cass. Soc. 8 octobre 2014, n°13-14.991), à une recevabilité sous conditions faisant aujourd’hui force de principe (cf. Cass. Soc.,25 novembre 2020, n°17-19.523, ou encore Cass. Ass. Plén., 22 décembre 2023, n°20-20.648).

Dans un nouvel arrêt du 25 septembre 2024, la Cour de cassation admet que la clé USB personnelle du salarié puisse servir à prouver sa faute.

Attention toutefois : Cette recevabilité est alors conditionnée à une double exigence de nécessité et de proportionnalité

La Cour de cassation n’étend toutefois pas cette recevabilité sans limite et y pose des garde-fous indispensables :

- La production des éléments litigieux doit être nécessaire à la manifestation de la vérité ;

- Et elle doit être strictement proportionnée au but poursuivi.

En d’autres termes, le juge du fond doit s’interroger sur la légitimité du recours de l’employeur : Le résultat recherché pouvait-il être obtenu autrement ? Autrement dit, la production de la preuve litigieuse était-elle indispensable à l’exercice du droit de la preuve ?

Dans l’espèce du jour, une salariée avait été licenciée au motif qu'elle avait copié, sur une clé USB lui appartenant, de nombreux fichiers de l’entreprise, y compris certains confidentiels, ne relevant pas de son poste de travail, et auxquels elle n’était pas censée avoir accès.

Contestant la décision des juges du fond ayant admis ce mode de preuve pour démontrer sa faute, la salariée se pourvoi en cassation, considérant au contraire que cette preuve ne pouvait pas être utilisée contre elle dès lors qu’il s’agissait de données personnelles car issues de sa propre clé USB.

Si la Cour de cassation rappelle en effet que "l’accès par l’employeur, hors la présence du salarié, aux fichiers contenus dans des clés USB personnelles, qui ne sont pas connectées à l’ordinateur professionnel, constitue une atteinte à la vie privée du salarié", elle rappelle toutefois un tempérament de première importance, à savoir que l’employeur peut justifier la production d’éléments portant atteinte à certains droits « à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».

Dans le cadre de cette affaire, la production par l’employeur d’éléments contenus sur la clé USB personnelle de la salariée était justifiée car nécessaire à l’établissement de la preuve et proportionnée au but poursuivi.

Dans cet arrêt, l'employeur démontrait notamment qu’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le contrôle effectué sur la clé USB, au regard du comportement de la salariée, et qu'il avait uniquement produit les données strictement professionnelles reproduites après le tri opéré par l’expert qu’il avait mandaté à cet effet.

 

Le droit à la preuve peut donc justifier qu’il soit porté atteinte à d’autres droits !

 

Cass. soc., 25 septembre2024, n° 23-13.992

 

Charles Mathieu