Recevabilité de l’enregistrement clandestin du salarié comme moyen de preuve en matière d’accident du travail

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Un salarié avait déclaré avoir été victime de violences verbales et physiques de la part du gérant de la société. Cet accident avait été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la CPAM sur la base d’un enregistrement produit par le salarié et réalisé à l’insu de l’employeur.

L'employeur invoquait l’inopposabilité de cette décision, motif pris que l’enregistrement produit par le salarié constituait un procédé déloyal.

La Cour de cassation rappelle que désormais l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats.

La Cour de cassation précise que le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence. Elle ajoute que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

La Cour de cassation précise que l’arrêt de la cour d’appel constate que :

- L’altercation enregistrée par le salarié était intervenue au sein de la société dans un lieu ouvert au public, en présence de collègues ainsi que d’un client de l’entreprise ;

- La victime pouvait légitimement douter qu'elle pourrait se reposer sur le témoignage de ces personnes en raison du lien de subordination et du lien économique entretenus avec l’employeur ;

- L’enregistrement produit était limité à la séquence de violences que le salarié indiquait avoir subies ;

Au regard de ces constatations et énonciations, la Cour de cassation approuve la Cour d'appel d'avoir décidé que la production de cette preuve est indispensable à l'exercice par la victime de son droit à voir reconnaître tant le caractère professionnel de l'accident résultant de cette altercation que la faute inexcusable de son employeur à l'origine de celle-ci, et que l'atteinte portée à la vie privée du dirigeant de la société employeur est strictement proportionnée au but poursuivi d'établir la réalité des violences subies par elle et contestées par l'employeur.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation applique ainsi aux AT/MP, la jurisprudence dégagée par l’assemblée plénière (Cour de cassation, Assemblée plénière, 22 décembre 2023, 20-20.648).

 

Cass. 2e civ., 6 juin 2024, n° 22-11.736