Trajets : si le salarié reste joignable sur son téléphone, quelle qualification ?

Le temps de trajet entre domicile et lieu de travail n’est pas du temps de travail effectif, mais doit recevoir une contrepartie, en repos ou financière, s’il dépasse le temps de trajet habituel.

On le rappelle, le temps de travail effectif est celui où le salarié se tient à la disposition de son employeur sans pouvoir vaquer à ses obligations personnelles.

La qualification du temps où le salarié effectue ses trajets dépend donc du degré des sujétions qui lui sont imposées durant les trajets.

Plusieurs arrêts ont été rendus qui permettent de préciser les critères pris en compte par la jurisprudence pour évaluer ces sujétions. 

Il en ressort par exemple que l’autonomie dont dispose le salarié dans l’organisation de ses trajets (Cass. soc., 1er mars 2023, n°21-12.068, F-B, cf. notre article), est un critère utilisé pour qualifier le temps de déplacement. 

Également, le fait d’exercer ses fonctions commerciales habituelles durant les déplacements à l’aide d’un téléphone en kit-main-libre emportera la qualification de temps de travail effectif (Cass. soc., 23 novembre 2022, no 20-21.924 FP-B + R, notre article).

Toutefois, le fait de pouvoir être joignable durant ses déplacements ne suffit pas, ainsi que le souligne une décision de la Cour de cassation du 13 mars 2024.

Dans cette affaire, le salarié, directeur général adjoint, saisit les prud’hommes de demandes relatives à l’exécution et la rupture de son contrat de travail, puis est licencié un mois après.

Il conteste son licenciement et demande notamment que ses temps de déplacement professionnel, en France et à l’étranger, soient requalifiés en temps de travail. Il fait valoir, attestations à l’appui, que durant ses déplacements, il restait joignable pour ses collaborateurs, qui pouvaient ainsi prendre son attache aussi bien quand il se trouvait à l’étranger que durant son temps de voyage. Il est suivi par les juges du fond, qui se fondant sur ces seules attestations, considèrent que ces temps de déplacement où le salarié reste joignable sont bien des temps de travail effectif, le salarié restant en permanence à la disposition de son employeur.

Ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui censure l’arrêt d’appel. Le seul fait de rester joignable durant ses déplacements ne suffit pas à établir que le salarié devait se tenir à la disposition de l’employeur et qu’il se conformait à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.

Notons que l’arrêt rappelle également que si les heures supplémentaires donnant lieu à un repos compensateur équivalent ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires, c’est à la condition que ces heures aient été effectivement compensées par le repos compensateur. Si le salarié n’a pas été mis en mesure de bénéficier du repos compensateur équivalent, alors, les heures supplémentaires ne peuvent être exclues du contingent annuel.

Cass. soc., 13 mars 2024, n°22-11.708